samedi 14 décembre 2013

Agriculture : le Cameroun viole ses engagements envers l’Union Africaine



Par Marie-Noëlle Guichi

Le budget du Cameroun pour 2014 est connu depuis dimanche, 08 décembre dernier, jour de son adoption à l'Assemblée Nationale. Si la part réservée au ministère de l’Agriculture et du développement rural (Minader), a connu une augmentation en évoluant de 95,5 milliards de francs Cfa en 2013 à 98,3 milliards de francs Cfa en 2014, soit une croissance de 3 milliards de Francs Cfa, elle reste insuffisante, pour l’Union Africaine.

Il fait des envieux en se hissant au rang des top dix des ministères dont les budgets sont les plus costauds. Pour autant, avec ses 98,3 milliards de Francs Cfa (soit environ 3 % ) majestueusement taillés sur le budget national 2014 qui se chiffre en recettes et en dépenses à 3312 milliards de Francs Cfa, le Minader est encore loin, et très loin des 10% recommandés aux Etats Africains par l’Union Africaine. Ce, à travers le NEPAD (Nouveau Partenariat pour la Planification et la Coordination du Développement de l’Afrique) et son programme dénommé PDDAA (Programme Détaillé pour le Développement de l'Agriculture en Afrique). 


Les exploitations familiales nourrissent l'Afrique
Pire, près de la moitié (exactement 41 milliards de francs Cfa) de l’enveloppe budgétaire du Minader est consacrée au fonctionnement de cette administration en charge de l’agriculture et du développement rural. Le reste (59 milliards) seulement va à l’investissement. Ce qui ne signifie pas forcément le financement direct des projets agricoles, tel que souhaité à l’Union Africaine.

On se souvient pourtant que, lors de la signature du Pacte pour la mise en œuvre au Cameroun du PDDAA, le 17 juillet 2013 à Yaoundé, soit dix ans après le lancement de ce programme, les autorités camerounaises se sont engagées à respecter les consignes de cet ambitieux programme.

En effet, reconnaissant l’importance d’un secteur agricole puissant pour la croissance économique et la réduction de la pauvreté, les Chefs d’États et de gouvernements de l’Union Africaine s’étaient engagés, lors du lancement du PDDAA dans la capitale Mozambicaine en 2003, à allouer 10% de leurs ressources budgétaires nationales à l’agriculture à l’horizon 2008 et à relever d’au moins 6 % leur productivité agricole chaque année. Cet engagement devait remettre les pays africains en selle afin de réaliser le premier Objectif du millénaire pour le développement, à savoir réduire de moitié la pauvreté et la faim d’ici 2015.

Un champ de maïs
A ce jour, une quarantaine de pays sur les 54 que compte l’Afrique se sont engagés dans le processus du PDDAA, et 37 seulement ont effectivement signé le pacte du PDDAA, 28 pays ont mis au point un plan d'investissement ; 25 pays ont tenu des réunions d'affaires sur le PDDAA. Parmi eux, moins de 10 pays ont atteint ou même dépassé le taux minimal de 10% qu’avaient approuvé les dirigeants africains lors de la Session Ordinaire de l’Assemblée générale de l’Union Africaine qui vit naître le PDDAA à Maputo. 

Si certains pays comme l’Ethiopie, le Malawi, le Ghana, ou même le Kenya sont cités en exemples parce que le budget qu’ils consacrent à l’Agriculture ne cesse d’augmenter, atteignant parfois jusqu’à 19% comme au Malawi, 15% en Ethiopie,  11% au Ghana, de nombreux autres pays africains restent à la traîne, cinq ans après la date butoir de 2008. Avec ses maigres 3% de ressources budgétaires consacrées à l’agriculture, le Cameroun est de ces pays là.

Pourtant, le PDDAA a été initié pour stimuler les réformes nécessaires au développement durable de l’agriculture sur le continent. C’est un cadre stratégique par excellence, qui fait de l’agriculture un moteur pour la croissance dans les économies largement agraires de l’Afrique, avec un impact tangible et durable sur l’amélioration de la sécurité alimentaire et la nutrition, en contribuant à la richesse et la création d’emploi, à l’émancipation économique des femmes et des jeunes, et en favorisant l’expansion des exportations.



Par Marie-Noëlle Guichi
En Afrique du Sud

Les quatre piliers du PDDAA

Lors d’un atelier des journalistes du PDDAA les 28 et 29 novembre 2013 en Afrique du Sud, Simon Kisira, en charge du suivi et de l'évaluation du PDDAA du NEPAD a rappelé aux participants les 4 priorités thématiques du PDDAA. 

Simon Kisira durant son exposé

Pilier1 :   étendre les superficies exploitées, à travers une gestion durable des terres, et bénéficiant de systèmes fiables de maîtrise des eaux. L’on touche ici à l’utilisation des ressources naturelles de base.  Et l’accent est mis principalement sur la gestion de la fertilité des sols, l’utilisation durable des terres et des eaux agricoles, l’augmentation de la productivité, l’administration des terres et la politique foncière.

Pilier2 : améliorer l’accès aux marchés en renforçant les infrastructures rurales et les autres interventions liées au commerce. Il s’agit d’insister sur les investissements consacrés à la construction des routes, aux installations de stockage, la transformation et la commercialisation afin de stimuler la hausse de la productivité et améliorer la compétitivité.

Pilier3 : augmenter l’approvisionnement alimentaire et réduire la faim dans l’ensemble de la région en élevant la productivité des petits exploitants et en améliorant les dispositions prises en cas d’urgence alimentaire.

Pilier4 : améliorer la recherche et les systèmes agricoles afin de diffuser de nouvelles technologies appropriées et dynamiser les moyens permettant d’aider les agriculteurs à adopter ces nouvelles possibilités.



 Ces priorités sont mutuellement interdépendantes, observe Simon Kisira, qui souligne qu’elles reflètent et englobent toutes les formes de l’agriculture dans les sous-secteurs de la culture, de la forêt, de la pêche et de l’élevage. 

Pour lui, l'Afrique a ce qu'il faut pour se nourrir et même avoir un surplus pour les autres, puisqu’elle dispose de 40% de terres arables. Curieusement, elle est encore en situation d'insécurité alimentaire.




Les journalistes, acteurs clé du développement agricole

Par Marie-Noëlle Guichi
En Afrique du Sud

Les journalistes peuvent jouer un rôle important pour assurer le succès du PDDAA en contribuant à la responsabilité mutuelle, a indiqué Mwanja Ng’anjo, le 28 novembre 2013, à l’ouverture de l’atelier des journalistes du PDDAA. 

Debout: de droite à gauche,
Mwanja Ng'anjo (en lunettes) et Brenda Zulu
Pour Mwanja Ng’anjo, le Réseau des journalistes du PDDAA doit jouer un rôle important dans l'accroissement de la visibilité de l'agriculture en Afrique. Une partie du travail principal dudit Réseau, dit-elle, est d’œuvrer pour l’augmentation du volume et de la qualité des informations positives sur le rôle et l'impact du PDDAA dans le développement agricole en Afrique. 

Issus de toute l'Afrique, les membres du réseau collaborent avec d’autres réseaux médiatiques plus larges dans leurs pays et régions. Leur objectif dans le domaine de l'agriculture porte tout particulièrement sur ​​le leadership, les petits agriculteurs, les femmes et les jeunes. Dans leur travail, les journalistes sont appelés à présenter l'histoire africaine de développement agricole, de manière professionnelle et consciencieuse. 

Brenda Zulu, la présidente du réseau des journalistes du PDDAA a indiqué au cours de l’atelier de formation, organisé les 28 et 29 novembre dernier à Centurion, localité située entre Johannesburg et Pretoria, que l’objectif de cette rencontre, est avant tout, de permettre aux participants de mieux connaitre le rôle du PDDAA dans la stimulation de la productivité agricole. La vingtaine de journalistes présents a ainsi procédé à un partage d’expériences et d’enseignements communs, tout en explorant les dernières méthodes et techniques du journalisme de développement. 

Afin d’enrichir les discussions sur le rôle des journalistes dans les questions de développement en Afrique, le Professeur Mandi Rukuni venu du Zimbabwe, a fait un exposé sur le rôle des médias dans l'approfondissement de la compréhension des questions de développement.

 « Année de l'agriculture »

Des journalistes du PDDAA à Centurion
A l’issu de leur rencontre, ils ont proposé au PDDAA, un plan de communication visant à sensibiliser toutes les parties prenantes, y compris les parlementaires, les groupes de femmes et de jeunes, les organisations paysannes, les organisations de la société civile, le secteur privé etc. 

Car l’année 2014 a été baptisée par l’Union Africaine « Année de l'agriculture ». Le but est de faciliter une large consultation et un dialogue permanent entre ces acteurs et les dirigeants africains, pour l’essor de l’agriculture, gage de la prospérité du continent.