Information tous azimuts sur les APE au Cameroun
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L’an
deux mille quatorze et le vingt et un du mois de février, s’est tenu à
l’hôtel Djeuga Palace de Yaoundé, un séminaire d’information tous azimuts
sur les accords de Partenariat Economique, APE, au Cameroun ; à l’initiative
de l’Association Citoyenne de Défense des Intérêts Collectifs, ACDIC.
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INTRODUCTION
Présidée par Yvonne Takang, Secrétaire Permanent de l’ACDIC, la rencontre a
débuté autour de 10 heures, avec la participation effective d’une trentaine
d’invités constitués pour l’essentiel de journalistes et de quelques opérateurs
économiques, experts en finance, cadres du ministère de l’économie, de la
planification et de l’aménagement du territoire (MINEPAT) et du représentant de
la Délégation de la Commission de l’Union Européenne au Cameroun.
La cérémonie d’ouverture a été conjointement conduite par Yvonne Takang
et Roger Ngoh Yom, journaliste à « Ici les gens du Cameroun ». Dès
l’entame, Roger Ngoh Yom a lâché ce qui restait un scoop pour beaucoup
d’invités : « le lancement du réseau des journalistes sur la question des
APE, grâce aux bons soins de l’ACDIC ». Dans son propos de bienvenue,
Yvonne Takang a quant à elle tenu à remercier ces nombreuses personnes (voir la
fiche de présence en annexe) qui ont bien voulu honorer de leur présence ce
rendez-vous qui se tient à quelques mois de la date butoir du 1er
Octobre 2014, donnée au Cameroun par l’Union Européenne pour ratifier les APE complets.
Ce, après que ce pays a signé, en solitaire dans la Sous-région Afrique
Centrale, l’accord d’étape ou APE intérimaires. C’était le 15 janvier 2009, c’est-à-dire
un an après la fin des dispositions commerciales de l’accord de Cotonou au 1er
janvier 2008. La signature des APE d’étape était ainsi intervenue deux ans
après sa conclusion en décembre 2007.
C’est que, la société civile camerounaise, majoritairement hostile à cet
instrument, a mené un rude combat pour
retarder le processus des APE, à défaut d’empêcher son aboutissement quasi
imminent pour le Cameroun qui, encouragé par son partenaire de l’Union
Européenne, présente les APE comme étant la voie pouvant le conduire à
l’émergence qu’il ambitionne et projette à l’horizon 2035.
Roger Ngoh Yom a souligné la nécessité d’un flash back sur ces APE. Ceci,
pour permettre aux journalistes d’être bien informés sur les tenants et les
aboutissants de ces accords qui pourraient donc être bientôt ratifiés par le
Cameroun qui n’attend plus que l’onction de l’Assemblée Nationale pour agir. Il
était alors important pour l’ACDIC, dira-t-il, de mieux informer la presse
nationale afin qu’à son tour, elle renseigne et éduque de manière pertinente, l’opinion
publique qui a le droit d’avoir une idée beaucoup plus précise sur les enjeux
de ces accords jugés complexes, et dont la compréhension échappe même à
certains acteurs du processus.
EXPOSE LIMINAIRE
D’entrée de jeu, Yvonne Takang a planté le décor, en rappelant à
l’assistance, dans le tout premier exposé de la journée, ce que sont ces Accords
de Partenariat Economique (APE) entre les pays ACP (Afrique Caraïbe Pacifique)
et l’Union Européenne (UE). Dans ce rappel mémoire, elle a souligné que les APE
sont des accords commerciaux ouverts en 2002 et encore en cours de négociation
entre l'Union européenne et six groupes de pays d’Afrique, du Caraïbe et du
Pacifique. Quatre groupes sont des pays Africains. Et les deux autres sont du Caraïbe
et du Pacifique.
Ces accords avaient pour but, dit-elle, de préserver l'accès préférentiel
des pays ACP aux marchés européens. Une mesure qui avait déjà été adoptée par
la Convention de Lomé. Elle fait observer que les APE visent à changer cet
accès préférentiel non réciproque en un accès réciproque. C’est-à-dire que les
pays ACP devront désormais ouvrir leurs marchés (jusqu'à 80%) pour les
importations de l'UE. Ces accords exigent en outre la libéralisation d'autres
domaines tels que l'investissement et les services.
En clair, relève le Secrétaire permanent de l’ACDIC, 100% du marché
européen sera ouvert contre 80% pour les marchés ACP. Or, précise-t-elle, la
plupart des pays ACP ont toujours résisté à l'idée de réciprocité, évoquant la
fragilité de leurs économies. Yvonne Takang a passé en revue les pays qui ont
déjà signé et ceux qui rechignent à le faire, ainsi que les arguments présentés
par les uns et les autres pour justifier leurs positions vis-à-vis des APE. Les préoccupations et craintes des pays ACP ont été passées au peigne fin. Il en ressort
que de nombreux pays ACP ne sont pas satisfaits de ces accords, parce qu’ils limitent
leurs options de développement.
L’oratrice a indiqué que l’une des raisons avancées au
sein des pays ACP c’est que les économies africaines ne
sont pas compétitives dans le commerce international
et parfois même sur leurs propres marchés. D’où sa question de savoir si les marchés
régionaux ne devraient pas être la priorité aujourd’hui. « L'intégration économique avec l'UE se fait au détriment
de réels progrès vers
l'intégration régionale en Afrique. Les pays d'Afrique sont dans le processus de consolidation des unions douanières régionales, dans le but de stimuler le commerce intra-régional. Les marchés régionaux sont essentiels pour accroître la capacité de production et stimuler le développement des infrastructures. Ne
devrions-nous pas construire d'abord
nos marchés régionaux avant de
nous ouvrir sur le marché mondial? », se
demande-t-elle.
Autre chose constatée à travers cet exposé, la Commission Européenne insiste sur 80% de
libéralisation du marché des
biens dans les pays africains
visés par les APE ; tout en présentant cela comme une libéralisation équitable et favorable au développement
asymétrique, car l'UE
se propose de libéraliser plus. Mais Yvonne Takang indique que
les catégories libéralisées
pourraient être d'importants secteurs
dans lesquels les pays Africains peuvent
construire leur propre capacité de
production pour approvisionner les marchés nationaux et régionaux. Or avec les APE, les marchés régionaux pour ces secteurs sont exposés à la concurrence des produits
de l'UE.
Un autre problème évoqué, c’est que les pays ACP craignent que la libéralisation puisse conduire à une réduction du chiffre d'affaires personnalisé, très
important pour leur budget. « Même si l'UE propose des
mécanismes pour compenser les
pertes de ces ressources, cette
mesure sera-t-elle suffisante? », s’inquiète Yvonne Takang.
Autre zone d’ombre, le Cameroun a signé l’Accord d’étape
du 15 janvier 2009 sur le compte
de la région CEMAC. Mais aucun autre pays de la région n’a adhéré à cette convention.
Si l'accord de Cotonou stipule
que les APE sont un instrument pour
l'intégration régionale et doit être signé par tous
les pays de la configuration
de négociation, le Cameroun devrait-il prendre un engagement solitaire
par la ratification de ces accords? Voilà autant d’éléments que le Secrétaire
permanent de l’ACDIC a d’emblée versés au débat, afin que l’échange soit plus
efficace et constructif, chacun se prononçant en connaissance de cause.
PANEL 1
Après l’exposé liminaire, le premier panel de ce séminaire d’échange
s’est déployé autour du thème : « Etat
des lieux des négociations de l’APE intérimaire Cameroun-Union européenne et
photographie des négociations de l’accord de partenariat économique régional
Afrique Centrale-Union Européenne ». Modéré par le journaliste Cabral
Libii Ngue, chef de chaine adjoint à radio campus de l’université de Yaoundé
II, cette présentation a été menée par Yombo Bidiang Joseph, cadre au MINEPAT
et Loumou Désiré, Membre du Secrétariat Technique du Comité chargé du suivi de
la mise en œuvre des APE bilatéraux Cameroun-Union Européenne.
Si les deux intervenants sont restés optimistes quant à la mutation
probable des APE intérimaires Cameroun-Union Européenne en APE complets au plus
tard le 31 septembre 2014, ils le sont moins par rapport à un Accord global,
impliquant tous les pays de la Sous-région Afrique centrale, comme initialement
prévu. Ils sont revenus sur le chemin périlleux des négociations ACP-Union Européenne,
évoquant les différents blocages qui ont souvent entaché ce qu’il est convenu
d’appelé parcours du combattant en Afrique Centrale, au sujet des APE. L’on
retiendra qu’après un premier échec constaté en octobre 2007, quand le Cameroun
s’est retrouvé seul à conclure un Accord intérimaire là où on espérait voir
tous les autres pays d’Afrique Centrale, les négociations à ce niveau régional
se sont tout de même poursuivies jusqu’en 2008.
Puis arrêt brusque en 2009 au moment où le Cameroun décide de signer
seul l’Accord d’étape. Ensuite timide relance des négociations et paff ! Un
autre arrêt en 2010.
Pour autant, à l’occasion de la concertation ministérielle de l’Afrique
Centrale tenue le 22 février 2009 à Douala, suivant les instructions des Chefs
d’Etat de la CEMAC, il avait été recommandé la poursuite des négociations en
vue de la signature, dans un délai raisonnable, d’un APE régional complet,
viable, juste, équilibré et mutuellement bénéfique pour toutes les parties.
Toute chose qui n’a pas empêché cet arrêt de 2010.
C’est un changement de l’équipe de négociateurs, côté européen, qui a
permis de renouer le contact en Décembre 2010 à Douala, pour une
intensification des négociations en 2011 et un fonctionnement optimal des
groupes techniques constitués (GTAD, GTSI, GTMA). Mais en Novembre 2011,
nouveau constat de blocage. L’UE exigeait un taux d’ouverture de 80/20
(c’est-à-dire 80% du marché Africain à l’horizon 2020), similaire à celui de
l’APE d’étape du Cameroun, alors que les orientations des Ministres de la
sous-région recommandaient un taux d’ouverture maximal de 70/30 (c’est-à-dire
70% du marché Africain à l’horizon 2030). Depuis octobre 2011, aucun round de
négociation n’a plus eu lieu entre les deux parties, après les six (06) rounds jadis
tenus.
Pour Yombo Bidiang Joseph et Loumou Désiré, les blocages sus-évoqués sont
dus à plusieurs points de désaccord qui restent d’ailleurs en suspens. De tous
ces points, deux leur semblent très importants: le degré d’ouverture des
économies d’Afrique Centrale et les mesures d’accompagnement (renforcement des
capacités, mise à niveau des économiques, méthodologie d’évaluation de l’Impact
Fiscal Net, financement desdites
mesures). De son côté, l’Union Européenne juge insuffisante l’offre
d’Afrique Centrale (en terme des produits à libéraliser) faite après les
travaux régionaux de novembre 2011 à N'Djamena. Tandis que l’Afrique Centrale,
elle, exige le renforcement, par l’Union Européenne, des capacités des
économies africaines et la mise à niveau de ses entreprises pour leur permettre
de faire face à la concurrence liée à l’APE. L’UE reste très réticente à la
prise en compte et surtout au financement de telles mesures. Les deux parties
peinent de ce fait, à trouver un consensus. Et ce, depuis 2011.
Les cadres du MINEPAT pensent que, dans l’optique d’une relance de la
dynamique de la négociation régionale, une initiative au haut niveau devra être
entreprise car, les positions techniques de l’Afrique Centrale ont suffisamment
muri mais se heurtent à des divergences réelles avec l’UE.
Ils font aussi remarquer que l’engagement du Cameroun dans un APE
bilatéral est regardé par les autres pays de la configuration négociante de
l’Afrique Centrale comme étant un mauvais signal au renforcement de
l’intégration régionale qui à l’origine, constitue la motivation première et le
pilier central de la négociation de l’APE entre l’UE et les Régions ACP.
C’est dans cette perspective
qu’ils suggèrent que la société civile soit engagée dans ce processus.
De même qu’ils ont salué l’initiative de la mise sur pied, par l’ACDIC à
l’issue de ce séminaire, d’un réseau de journalistes sur les APE.
Après cet exposé, un échange
avec les participants a été ouvert, pour permettre d’éclaircir les zones
d’ombres.
Plusieurs observations et questions ont été enregistrées :
1- L’intitulé de l’Accord intérimaire présente une ambiguïté, en laissant
penser qu’il s’agit d’un accord régional alors qu’il ne concerne que le
Cameroun, tout seul, face à 27 pays de l’Union Européenne. Que
comprendre ? (Dr. Ariel Ngnintedem) ;
2- Comme dispositif de pilotage de l’accord intérimaire, la partie
camerounaise a mis sur pied un Comité APE avec un fort ancrage institutionnel.
Pourra-t-il fonctionner sans heurts au regard des lourdeurs qui
caractérisent ce genre de structures au Cameroun? (Dr. Ariel Ngnintedem)
3- En signant un Accord d’étape, pourquoi le Cameroun a-t-il décidé de
faire chemin seul dans un processus qui se veut régional ? (Idriss Linge,
Agence Ecofin)
4- Il s’agit d’un accord inique. (Roger Ngoh
Yom) ;
5- Que peut apporter la conclusion d’un accord intérimaire qui courre le
risque de fragiliser les accords régionaux existants ? (Jean Paul Fouda
Ottou, LIPAVIC)
Réponses :
1- Un processus de toilettage de l’intitulé de l’Accord d’étape est en
cours. Il faut reconnaître que ce titre avait été adopté en son temps dans la
perspective de l’engagement des autres pays de la Sous-région. Maintenant que
le Cameroun y va seul, l’intitulé sera changé.
2- Le Comité APE est présidé par le Secrétaire général du MINEPAT, qui
dispose de moyens pour travailler efficacement. Et il doit le faire puisqu’un
rapport est attendu de lui dans un délai précis.
3- Le Cameroun signe un Accord d’étape en espérant que les autres pays de
la Sous-région vont s’engager dès le lendemain. L’espoir reste permis dès lors
que des menaces pèsent sur les pays concernés. Par ailleurs, le Cameroun est
toujours engagé dans la voie de l’APE régional qui rendrait caduque l’APE
d’étape. Mais en attendant, il fallait qu’il signe déjà cet accord intérimaire
qui accorde de nombreux avantages aux opérateurs économiques nationaux. C’était
une décision souveraine, découlant de la volonté de ce pays de sauvegarder les
avantages économiques qui seraient hypothéqués en cas de non signature et plus
tard, de non ratification. Conclusion, cet APE bilatéral était nécessaire pour
le Cameroun, sans qu’il ne veule porter un coup à la dynamique communautaire. Le
Cameroun travaille jusqu’ici à faire adhérer les autres pays au processus d’un
accord d’étape, puis régional. Cette dynamique est suscitée par les avancées en
Afrique de l’Ouest.
4- L’Accord d’étape est-il inique ?
Non ! La promptitude, l’urgence et la diligence de la situation ont commandé
que le Cameroun s’engage rapidement, au risque de s’exposer à des sanctions. En
2007, le Cameroun était face à un blocage à l’OMC. Pour s’en sortir, il fallait
signer cet accord qui est certes incomplet, mais utile. Il a déjà produit un
certain nombre de résultats, dans le secteur forestier par exemple. Il a ses
faiblesses, mais des opportunités aussi. Et c’est ce qu’il faut retenir. L’idée
c’est de voir avec qui le Cameroun peut négocier pour préserver son tissu
économique de l’effondrement. Il a fait le choix de signer. Tout comme la
Guinée Equatoriale se donne 20 ans pour le faire. Chacun préserve ses intérêts,
en attendant que la dynamique régionale aboutisse.
En raison de l’absence de Emmanuel Mbarga, Directeur du commerce
extérieur au ministère du commerce, la seconde présentation de ce premier panel
n’a pas pu avoir lieu sur le thème : « Evolution
des relations commerciales Cameroun-Union européenne et mise en œuvre des
APE ». Un ratage déploré par un participant (Idriss Linge, journaliste
à l’Agence Ecofin) qui souhaitait obtenir des données sur la balance
commerciale entre le Cameroun et l’Union européenne, pour bien apprécier les
forces en présence dans ces négociations qui s’appuient sur des bases taxées
d’inégales par certains observateurs.
PANEL 2
Le deuxième panel modéré par le journaliste Parfait Siki, Directeur de la
rédaction de l’hebdomadaire Repères, a été piloté par BABISSAKANA, Directeur
exécutif du cabinet d’étude PRESCRIPTOR qui a exposé sur le thème : « APE : Bonne ou mauvaise
affaire. Les critères opératoires d’appréciation » ; et Ariel Ngnintedem, Professeur de finance
publique et de politique publique à la Southern University en Louisiane, aux
Etats-Unis d’Amérique. Ce dernier a parlé de « l’impact des APE sur les finances publiques ».
Dès l’entame,
BABISSAKANA a fait savoir que c’est la nature des séminaristes qui a suscité
son intérêt pour ce. Car pour lui, les journalistes sont un maillon essentiel
dans la compréhension de la question des APE.
De prime abord, il soutient que les APE sont des accords de libre-échange
entre l’Afrique Centrale et l’Europe et non de partenariat économique comme les
négociants veulent le faire croire. De l’avis de cet ingénieur financier, pour
éviter que ce soit un marché de dupes, chacune des deux parties doit présenter
ce qu’elle y gagne et ce qu’elle y perd. « En
parlant de partenariat, l’Union Européenne a voulu embrouiller
l’Afrique », assène le conférencier qui déclare que c’est l’Europe qui
propose aux ACP ce qu’il faut faire, parce qu’elle préserve ses intérêts. Au
sujet de ces intérêts, il affirme que, compte
tenu des contraintes juridiques des accords de l’OMC (Organisation Mondiale du
Commerce) de 1994, l’Union Européenne pour préserver ses relations commerciales
post-coloniales (aide tarifaire liée), a proposé aux ACP dans le cadre de la
convention de Cotonou signée en 2000, l’établissement d’une Zone de
libre-échange à l’horizon 2020 à travers les Accords de Partenariat Economique
(APE) que BABISSAKANA préfère rebaptiser Accords de
Libre-échange.
Et pour qu’il y’ait
libre-échange, il faut des pré-requis, note-t-il. Notamment, l’équilibre des parties. L’accord doit rassembler
des pays à niveau de développement comparable ; qui ont des économies à fort degré de concurrence et
de spécialisation ; qui entretiennent un commerce mutuel important entre les membres et une forte complémentarité.
Il faut en plus qu’il y’ait adéquation au contexte économique mondial en
vigueur et prévisible. D’après lui, ces conditions ne sont pas réunies dans les
Accords ACP/UE. Il y’a donc tromperie sur la marchandise, croit-il savoir. Il argue
que lorsqu’on compare les effets positifs et les effets négatifs, le résultat
est négatif. D’où l’exigence, par l’Afrique Centrale, des mesures
d’accompagnement.
Le Directeur Exécutif de Prescriptor mentionne aussi que le Cameroun ne
peut pas être dans des institutions telles que la CEMAC (Communauté Economique
et Monétaire de l’Afrique Centrale) et prétendre agir en pays souverain, tel
qu’il l’a fait dans le cadre des APE. Pis, le Cameroun négocie seul contre 27
pays de l’Union Européenne. Ce qui est disproportionné. « C’est un accord complètement déséquilibré sur tous les
points », déclare-t-il. BABISSAKANA
fait d’ailleurs comprendre qu’il n’existe aucun pays au monde qui ait pu
développer son industrie avec les préférences commerciales. En définitive, il
indique que les APE sont « une
mauvaise affaire ». Il évoque le décalage structurel du niveau de
développement des deux parties.
Questions et commentaires des
séminaristes :
1- Qui met le couteau à la gorge des pays ACP pour signer ces APE ?
(Jean François Channon, quotidien Le Messager)
2- Si après vos explications l’on abouti à
la conclusion selon laquelle les conditions d’un libre-échange ne sont pas
remplies, il s’agirait donc effectivement d’un accord de partenariat ! (Nacisse
Chassem, Gicam)
3- Que pourrait devenir le Cameroun s’il ne
ratifie pas ? (Kini Nsom, The Post)
L’APE c’est le retour à la colonisation de l’Afrique par l’Europe.
(Pierre Essomé Essomé, l’Actu)
Réponses de BABISSAKANA
1- C’est l’Union Européenne qui met la pression pour ne pas perdre ce
vaste marché Africain. Tous les partenaires qui négocient pour le long terme
veillent sur l’équilibre des intérêts. Ce qui est loin d’être le cas avec les
APE. Si on oriente notre économie sur les besoins au niveau mondial, on n’a pas
besoin de préférences. L’attractivité de l’Afrique est une réalité. Mais elle a
encore besoin de moderniser son économie.
2- S’il s’agissait d’un accord de partenariat, il n’y aurait pas de
menaces. C’est un accord commercial baptisé avec un nom d’apparat pour
détourner l’attention du partenaire d’en face sur les réels enjeux de l’Europe.
La connotation de partenariat économique c’est pour voiler les yeux.
3- Le Cameroun ne s’en porterait pas plus
mal qu’aujourd’hui, s’il ne ratifiait pas. Il ne faut pas compter sur les
étrangers pour venir améliorer la gouvernance d’un pays.
Après cette
analyse de Babissakana, pas du tout tendre à l’égard de l’Union Européenne, le
représentant de l’UE dans la salle n’a pas résisté à l’envie de prendre la
parole pour essayer de remettre les pendules à l’heure. Massimo DIOMEDI
CAMASSEI, le chargé des affaires économiques et commerciales à la Section
Politique, Information, Economie et Commerce de la Délégation de l’Union
Européenne au Cameroun a répondu aux accusations portées par le conférencier
contre l’UE.
De son point de vue, la nouveauté de l’APE c’est la négociation, une
discussion entre pays libres, contrairement au pouvoir colonial d’hier. Il pense
qu’ici, chacun des négociants préserve ses intérêts qu’il met sur la table des
discussions. En tant que premier donateur du Cameroun à travers le Fonds
Européen de Développement, FED, l’UE qui accorde 180 millions d’euro à ce pays
dans le cadre du 3ème FED ne saurait s’engager dans un processus qui
freine le développement de ce pays, avance-t-il. Selon ce dernier, l’APE est un
outil de développement. Et le principe de cet instrument n’est pas uniquement
commercial, mais partenarial parce qu’il aborde aussi le volet développement.
Prenant la parole pour son exposé, Dr. Ariel Ngnintedem a exprimé ses
appréhensions quant à l’opportunité de cette rencontre, alors que la marge de
manœuvre du Cameroun sur l’issue des APE est presque nulle aujourd’hui. Néanmoins,
il a présenté son travail sur le thème qui lui a été confié. Pour aboutir à la
conclusion selon laquelle « l’impact
des APE sur les populations dépendra des mesures prises par les pouvoirs
publics camerounais qui devront mettre en place des réformes pour mieux en
profiter ».
Questions et observations des
participants :
1- Au delà de la réactivité des pouvoirs publics camerounais, il est
nécessaire de se demander ce que feront les opérateurs économiques camerounais
pour profiter des APE (Gisèle Nnemi Nga, CRTV) ;
2- Le principal bénéficiaire des APE reste l’UE ; car même lorsqu’il
faudra acquérir les outils de production, ce sera en Europe, principal
partenaire commercial du Cameroun. (Roger Ngoh Yom)
3- La présentation de Dr. Ariel Ngnintedem n’évoque pas des cas pratiques
(Idriss Linge, Agence Ecofin) ;
4- Les APE constituent une opportunité pour
libéraliser et moderniser l’économie camerounaise afin d’atteindre l’émergence
en 2035. Les mentalités ont beaucoup évolué car il y’a quelques années, l’opinion
publique était opposée à cet instrument (Jean A. Ngouang, membre du Comité
technique national de compétitivité) ;
5- Les résultats des études d’impact sur les
APE dépendaient du commanditaire et financier de l’étude qui est soit l’UE,
soit le Cameroun. (Jean A. Ngouang)
Réponses de Dr. Ariel Ngnintedem :
1- La faible compétitivité du secteur privé Camerounais revient à
l’esprit chaque fois qu’on aborde le sujet des APE. Il faut stimuler l’appareil
de production du pays.
2- Une étude d’impact venant d’une source
indépendante aurait été judicieuse avant tout engagement dans les négociations.
PANEL 3
Sous la modération de Guibaï Gatama, Directeur de publication de l’hebdomadaire
l’œil du sahel, ce panel a enregistré trois exposés, respectivement de Jean Pierre
Imele, Directeur général de Biotropical sur le thème : « Expériences commerciales avec
l’Union Européenne » ; de Nacisse Chassem, représentant du GICAM
(Groupement Interpatronal du Cameroun) sur : « L’ avenir du
système productif camerounais avec les APE » ; et de Bernard Njonga, ingénieur agronome sur :
« L’Agriculture camerounaise face aux APE ».
Abordant son thème, Jean Pierre
Imele a recommandé une approche positive et volontariste qui fait appel au
bon sens, sur cette question des APE. Il demande alors une forte mobilisation
autour de cet accord qui doit être ratifié, parce qu’il renferme des avantages
énormes pour les deux parties signataires. Il témoigne que Biotropical, un
modèle dans l’entrepreneuriat social en ce qu’il recherche moins le profit que
le bien-être de tous, est de ces entreprises qui bénéficient déjà des avantages
de l’accord intérimaire qui lui offre l’accès au marché de l’UE en franchise,
sans contingent et sans limitation de durée pour toutes ses importations en
provenance du Cameroun.
Autre avantage d’après lui, la proximité géographique avec l’Europe (6
heures de vol, 7 jours de bateau). Ce qui n’est pas le cas avec Dubaï par
exemple. En plus, reconnait-il, Biotropical, spécialisé en agriculture bio, a
bénéficié du soutien de l’UE pour sa certification ISO 9002-2008.
Questions des participants :
1- Si l’on laisse tomber les barrières douanières, Biotropical
pourrait-il compenser le manque à gagner par la quantité de sa production
aujourd’hui que sa qualité est assurée par la certification biologique, ISO et
autres ERS (Equitable, Solidaire et Responsable) ? Autrement dit,
Biotropical peut-il tenir le coup de la compétitivité ? (Jean Christian
Akam, Canal 2 International)
2- Pourquoi vouloir que les APE soient
ratifiés alors que Biotropical évoluait déjà sans problème avant ces APE ?
Combien d’entreprises comme Biotropical pourraient profiter des APE ?
(Cabral Libii) ;
3- Que gagne Biotropical si les APE sont
ratifiés et que perd-t-il s’ils ne le sont pas (Cabral Libii)?
4- Y’a-t-il possibilité pour Biotropical de
produire mieux pour se frayer une place honorable dans les marchés
européens ? (Jean François Channon)
Réponses de Jean Pierre Imele :
1- Biotropical produit une cinquantaine de fruitiers dont les variétés
sont venus du monde entier. La société fait déjà 1500 hectares de manguiers
grâce à un partenariat avec un opérateur Camerounais indépendant, créant ainsi
une chaîne de valeurs autour de laquelle se greffent une dizaine de petits
métiers de transformation. L’objectif c’est d’atteindre 10 000 hectares de
manguiers. Nous employons 100 camerounais avec un investissement minime et un
chiffre d’affaire de 500 millions l’an.
Le volume et la qualité de nos produits sont assurés, par rapport à la
demande actuelle. Le meilleur marché reste celui de proximité, l’UE ;
2- Pour nous, la question des barrières douanières est très accessoire
pour l’instant.
Nacisse Chassem a quant à lui
indiqué que le GICAM a toujours milité en faveur d’un APE régional et non
national. Ce groupement patronal est
donc partant pour un accord global qui protège les secteurs stratégiques et
encourage la mise à niveau des PME pour renforcer leur compétitivité. Pour lui,
que les APE soient ratifiés par le Cameroun ou pas, le futur n’est pas bon en termes
de balance commerciale, à cause de la fluidité des frontières camerounaises, la
contrefaçon et la contrebande qui ont pignon sur rue dans la sous-région.
Ainsi, à son avis, la signature des APE ne compromet pas l’intégration
régionale qui n’est déjà pas effective. Au contraire, souligne-t-il, la
ratification par le Cameroun peut favoriser cette intégration régionale.
Les APE prévoient dans son volet développement, la mise à niveau des entreprises en particulier et celle du système
productif local en général. Les APE prévoient d’identifier des secteurs
considérés prioritaires (les infrastructures, le secteur productif, la
formation professionnelle, la santé, etc.) qui bénéficient des interventions de
l’UE : expertise technique et assistance financière dont on ne saurait
s’en passer sans conséquences économiques et sociales.
Si les APE ne sont pas ratifiés, il va de soi que ces appuis ne vont pas
suivre, insiste le représentant du Gicam pour qui le problème de l’intégration
régionale dans la zone CEMAC est fortement lié à la différence des niveaux de
vie. « Même si tous les pays de la
CEMAC ratifiaient les APE, il n’est pas à exclure que la libre circulation des
personnes ne serait pas toujours effective en raison de la différence des
niveaux de vie », déclare celui-ci. Et de marteler : « dire que la ratification des APE par
le Cameroun compromet le processus d’intégration régionale dans la CEMAC est
SUPERFLU ».
Questions et remarques des
participants :
1- La position du Gicam telle qu’exprimée est ambigüe. Est-elle pour ou
contre la ratification des APE ? Depuis la signature des accords d’étape,
avons-nous avancé d’un pas en termes de compétitivité des entreprises
camerounaises ? (Jean Paul Fouda Ottou, LIPAVIC)
2- LIPAVIC (l’Interprofession avicole du Cameroun)
est surpris par la position actuelle du GICAM qui, comme elle, était opposée
aux APE qui étouffent la naissance des industries au Cameroun. LIPAVIC n’a
certes rien contre les APE qui prennent déjà en compte les préoccupations de
ses membres, mais elle reste solidaire des opérateurs économiques des secteurs
lésés (Jean Paul Fouda Ottou, LIPAVIC)
Réponse de Nacisse Chassem :
La compétitivité ne s’acquière pas en un petit laps de temps, mais sur la
durée. La position du GICAM est bien claire. Il milite en faveur d’un APE
régional global qui intègre le développement.
L’exposé de Bernard Njonga
sur : « L’Agriculture camerounaise face aux APE » a été
très applaudit, tant il présentait de manière concrète, avec exemples et photos
parlantes à l’appui, ce que peut faire le Cameroun sur le plan agricole, pour
assurer son émergence, avec ou sans APE.
Son regard sur le Cameroun fait voir un pays au potentiel
agricole énorme, avec des terres variées. Sur ses 475 000 KM2 de superficie, le
Cameroun dispose de 15% de terres arabes dont 29% seulement mises en valeur. Il
est constitué de cinq zones agro écologiques. Une diversité d’écosystèmes qui lui
offre de larges possibilités de variation des cultures.
Des images prises dans toutes les régions du pays par Bernard Njonga en
personne, et projetées grandeur nature sur diapo, étalent les prouesses de ces
généreuses terres, qui ne bénéficient pourtant que des exploitations familiales
(qui représentent 97% des producteurs
Camerounais et font vivre 67% des populations reparties dans la production, la
commercialisation, la transformation et autres.sur 20 millions d’habitants au Cameroun) et artisanales,
en lieu et place de productions mécanisées sur de larges étendues. D’après
l’ingénieur agronome, les exploitations
familiales, très rependues au Cameroun, ont pourtant leurs limites telles que la
faible productivité,
l’étroitesse des superficies,
les pertes post récolte élevées (30 - 40%),
les techniques culturales
traditionnelles, les mains
d’œuvre familiale peu qualifiées et insuffisantes, l’absence d’intrants, la polyculture à outrance, l’agriculture d’autoconsommation dont l’excédant commercialisable demeure très faible ;
l’enclavement avéré.
Cette
déplorable situation est attribuée par l’ingénieur agronome au désengagement
prématuré de l’Etat, par l’entremise du ministère de l’agriculture et du
développement rural (Minader), de ses fonctions d’accompagnement des
producteurs; le faible budget
alloué au développement du monde rural;
la structure trop administrative et bureaucratique de
ce Minader; le système
d’encadrement agricole basé sur les projets et programmes vecteurs de
saupoudrage, du clientélisme et de corruption; une vision,
stratégie et politique en matière agricole illisibles.
Résultats
des courses, l’on a au Cameroun, dit-il,
une agriculture incapable de nourrir les populations; participant peu à
la croissance économique et à la résorption du chômage – surtout des jeunes ; qui ne fait pas métier. Et
pour couronner cela, une haute vulnérabilité à l’insécurité alimentaire et la
perte galopante de la souveraineté alimentaire. Ce qui ouvre la voie aux
importations de denrées alimentaires qui grèvent la balance commerciale de ce
pays.
Quid des APE ? A cause des importations, la production des
Exploitations Familiales baisse et au pire des cas pourrie des suites
d’enclavement. Toute chose qui renforce la paupérisation des ruraux qui
aujourd’hui représentent 60% des pauvres camerounais.
« Evident qu’en l’état actuel de nos productions, scandaleusement faibles et en état actuel des négociations, malgré les BMN (Bureau de mise à niveau des entreprises camerounaises) et autres PACOM (Programme d’appui à la compétitivité de l’économie camerounaise) les APE ne peuvent que renforcer cette triste tendance », observe Bernard Njonga. Il constate que tous ces bureaux et programmes s’occupent d’avantage des grandes entreprises, au détriment des productions locales et des exploitations familiales qui font pourtant vivre plus de la moitié de la population nationale. Or, il réitère, à la suite des autres intervenants, que l’enjeu c‘est le marché domestique d’abord, sous régional ensuite et européen enfin. Car il s’agit de « transformer nos produits pour récolter leur valeur ajoutée et les vendre sur les marchés régionaux et européens », conclut-il.
« Evident qu’en l’état actuel de nos productions, scandaleusement faibles et en état actuel des négociations, malgré les BMN (Bureau de mise à niveau des entreprises camerounaises) et autres PACOM (Programme d’appui à la compétitivité de l’économie camerounaise) les APE ne peuvent que renforcer cette triste tendance », observe Bernard Njonga. Il constate que tous ces bureaux et programmes s’occupent d’avantage des grandes entreprises, au détriment des productions locales et des exploitations familiales qui font pourtant vivre plus de la moitié de la population nationale. Or, il réitère, à la suite des autres intervenants, que l’enjeu c‘est le marché domestique d’abord, sous régional ensuite et européen enfin. Car il s’agit de « transformer nos produits pour récolter leur valeur ajoutée et les vendre sur les marchés régionaux et européens », conclut-il.
Questions
et observations des participants :
1- L’Union Européenne n’est pas
responsable des produits importés au Cameroun. Tout comme ce n’est pas elle qui
met à la disposition des producteurs les ressources du Fonds Européen pour le
Développement. C’est le Minepat qui se charge de l’utilisation du FED. (Massimo
DIOMEDI CAMASSEI, Union Européenne)
2- La position de l’ACDIC sur la
question des APE semble avoir évolué. Est-ce bien cela ? (Guibaï Gatama)
Réponses
de Bernard Njonga :
1- Nous étions de ceux qui
soutenaient les APE, à condition que notre tissu industriel soit renforcé,
ainsi que le pouvoir des producteurs. Ces réserves restent fondées à la veille
de la ratification.
2- L’opposition de l’ACDIC est
civile face à une décision politique. Reste maintenant à l’opposition politique
de jouer son rôle. L’ACDIC pourrait descendre dans la rue pour manifester son
opposition civile si la ratification finit par se faire.
La dernière articulation de ce
séminaire a été la création effective d’un réseau de journaliste sur les APE.
Et les perspectives futures, en rapport à cette initiative ont été abordées. Entre
autres idées jaillies des discussions, la création immédiate d’un forum sur
Google dédié à ce réseau ; l’invite aux participants journalistes, de fait
membres dudit réseau, à véritablement jouer leur rôle de veille sur l’actualité
autour des APE ; la contribution constructive pour une information vraie
sur les APE, en tout professionnalisme.
Massimo DIOMEDI CAMASSEI a souhaité
que ce genre de rencontres soit multiplié, tout en annonçant que les portes de
l’Union Européenne et sa bibliothèque sont ouvertes aux membres du réseau.
La rencontre
s’est achevée sur un mot de clôture de Secrétaire permanent de l’ACDIC qui a
recommandé un déploiement efficace de ce réseau des journalistes camerounais
sur les APE ainsi mis sur pied.
Fait à Yaoundé, le 21 février 2014
Le Rapporteur,
Marie-Noëlle Guichi
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