LU AILLEURS



Mandela est le nouvel Africain
Par
Carlos Lopes

Chaque siècle peut se résumer à quelques noms et quelques événements marquants. Lorsque j’ai vu Nelson Mandela prononcer son premier discours public à sa sortie de prison, je n’aurais jamais pu penser qu’il allait devenir la figure de ralliement incontestable du siècle. 

Nelson Mandela
Et si ce jour-là, sur la place de l’Hôtel de ville du Cap, je n’ai pu imaginer une telle chose, ce n’est évidemment pas parce que j’avais le moindre doute sur le caractère extraordinaire et unique de Mandela, mais plutôt parce que je doutais qu’un Africain puisse être reconnu dans le monde entier. 

Après tout, il venait de passer 27 années en prison, sans susciter pendant tout ce temps-là l’agitation qui allait suivre. Il avait maintes fois mérité d’être élu « Personnalité de l’année » par les grands médias, mais ne l’avait jamais été. Le Mandela qui venait d’être libéré était pourtant le même homme, et il nous réservait bien des surprises...
Mandela a eu du temps pour préparer ce qui, selon lui, était inéluctable: la fin de l’institution la plus intolérable du siècle passé, la coexistence officielle d’un régime ayant institué la ségrégation raciale et d’une communauté internationale qui avait adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme.

 Face à ce paradoxe, et à bien d’autres, Nelson Mandela a su montrer qu’il était différent: embrassant la complexité, ce n’était pas un héros ordinaire et il devint le symbole de la dignité humaine. 

Mandela a été l’un des derniers dirigeants africains qui ont consacré leur vie à lutter pour libérer le continent du joug du colonialisme. L’un de ces hommes et femmes qui ont vécu, se sont battus et sont morts au nom du principe selon lequel les Africains sont capables de gérer leurs propres affaires. 

Kwame Nkrumah, Julius Nyerere, Amilcar Cabral, Patrice Lumumba, Oliver Thambo, Nelson Mandela et bien d’autres ont mené les batailles intellectuelles, politiques, sociales, culturelles et parfois militaires qui permettent aujourd’hui aux Africains d’affirmer qu’ils exercent un plus grand contrôle sur la manière dont ils mènent leur vie. 

Les différentes étapes de la vie de ce grand homme sont source de nombreux enseignements et éléments de réflexion. Alors que l’Afrique entame ce nouveau siècle et que nous œuvrons à l’élaboration d’un nouveau projet pour le continent à l’horizon 2063, nous devons nous inspirer de son « long chemin vers la liberté ».

En tant que dirigeant, Mandela était un père pour tous, et il a guidé son peuple à travers le processus de vérité et de réconciliation. Il a su incarner la passion, nous inspirer par ses actes et montrer l’exemple. Il avait un sens fort de son identité et resta fidèle à ses convictions malgré le danger.

Mandela a été une grande source d’inspiration pour moi et pour ma génération. Il incarnait l’unification et l’intégration du continent. La lutte pour la libération totale de l’Afrique ne s’est pas achevée quand Mandela est sorti de prison, comme il le souligna lui-même dans son discours du Cap.

 Je voudrais ajouter humblement qu’elle ne doit pas non plus s’achever avec sa disparition, alors même que nous élaborons le récit de la renaissance africaine. L’héritage, les valeurs et les vérités de Mandela doivent servir de solide fondement à une Afrique unie et prospère.

M. Carlos Lopes est le Secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique.






Tendance : l’Afrique et ses philanthropes

Par Kingsley Ighobor

En juillet dernier, le président américain Barack Obama a lancé au Cap en Afrique du Sud l’initiative Power Africa destinée à aider les pays d’Afrique subsaharienne à mettre en œuvre des projets de production et de transport de l’énergie et doubler leur accès à l’électricité. Son objectif affiché est de mobiliser 16 milliards de dollars en vue d’investissements qui permettront de produire 10 000 mégawatts d’électricité. Le milliardaire et philanthrope nigérian Tony Elumelu s’est engagé à participer à hauteur de 2,5 milliards de dollars et le geste d’Obama pourrait bien donner des idées à la nouvelle génération de philanthropes africains.   

Peu avant de se rendre, en compagnie du président Obama, à la centrale d’Ubongo près de Dar es Salaam en Tanzanie, M. Elumelu avait annoncé, conjointement avec Judith Rodin, la présidente de la Fondation Rockefeller (une organisation caritative américaine) la mise en place d’un fonds d’investissement qui fournira un capital de départ aux jeunes entrepreneurs. À l’instar de M. Elumelu, des philanthropes africains semblent eux aussi changer leur approche et privilégier les investissements dans le domaine humanitaire ainsi que dans les secteurs susceptibles de stimuler la prospérité en Afrique.

Réunis dans le cadre d’une table ronde en octobre dernier au siège de l’ONU à New York, M. Elumelu, patron du fonds d’investissement Heirs Holding, a débattu de philanthropie du rôle du secteur privé en Afrique. Parmi les autres participants à ce débat on comptait notamment la sud-africaine Precious Moloi-Motsepe, co-fondatrice de la Fondation Motsepe, l’entrepreneur en télécommunications mobiles et milliardaire soudanais Mo Ibrahim, ou encore Toyin Saraki, fondatrice et présidente de la Wellbeing Foundation Africa, une organisation caritative qui se consacre presque exclusivement aux enfants et aux femmes. M. Elumelu a exhorté ses collègues à concentrer leurs efforts sur le développement socioéconomique et les moyens de rendre la population autonome.


Panos/Ian TehPhoto:Mo Ibrahim
Pionniers
L’année dernière, M. Elumelu a fait un don de 6,3 millions de dollars aux victimes des inondations au Nigéria. Il est considéré depuis lors comme l’un des premiers philanthropes du continent. Selon le magazine économique américain Forbes, plusieurs autres hommes d’affaires font figure de pionniers dans ce domaine, tel le Nigérian Aliko Dangote, l’homme le plus riche d’Afrique dont les activités philanthropiques s’élevaient à 35 millions de dollars l’an dernier. Il y a encore Mo Ibrahim, Strive Masiyiwa du Zimbabwe, Naushad Merali du Kenya et Precious Moloi-Motsepe, désignée en 2012 femme la plus influente d’Afrique par le magazine. 

À l’instar du milliardaire américain Warren Buffet, qui a cédé une partie importante de sa fortune à des œuvres caritatives en 2006, le sud-africain Francois van Niekerk a transféré 70 % de ses parts du groupe Mertech, qu’il a fondé, vers la Fondation Mergon, qu’il dirige désormais. La valeur de la participation s’élève à 170 millions de dollars.

Même si le profil philanthropique d’un nombre grandissant d’Africains fortunés s’améliore, certains pensent qu’il reste beaucoup à faire. « Au Nigéria, on compte 150 jets privés, mais seulement quatre sociétés philanthropiques immatriculées », explique Wiebe Boer, un ancien employé de la fondation Rockefeller qui gère la Fondation Tony Elumelu, dont le rôle est de soutenir financièrement et stratégiquement les entreprises africaines. « Si nous pouvions convaincre tous les propriétaires de jets privés de créer une œuvre philanthropique, cela transformerait radicalement les choses dans ce pays. »

Contexte
Pour Halima Mohamed et Bhekinkosi Moyo, auteur d’un article sur le sujet dans le magazine Alliance, une publication importante consacrée à la philanthropie, le scepticisme de ceux qui jugent trop peu nombreuses les pratiques philanthropiques sur le continent ignorent le contexte culturel particulier à l’Afrique. Pour expliquer ce contexte aux participants de la table ronde de l’ONU, Precious Moloi-Motsepe a donné l’exemple du concept sud-africain d’ubuntu, qui pourrait se traduire ainsi « ’existe du fait que tu existes : ma réussite est intimement liée à la tienne ». L’Ubuntu, a-t-elle expliqué, est avant tout une valeur familiale qui incite à donner quelque chose en retour à la société.

Les Africains savent donner et s’offrir un soutien mutuel en dépit du nombre limité d’organisations caritatives, a renchéri Toyin Saraki, fondatrice et présidente de la Wellbeing Foundation Africa, un organisme qui se consacre presque exclusivement aux enfants et aux femmes. L’universitaire ghanéen Adams Bodomo estime par exemple que la diaspora africaine a reversé 51,8 milliards de dollars au continent en 2010, un montant supérieur aux 43 milliards de dollars d’aide traditionnelle reçue par le continent.
Le modèle développé par M. Elumelu insiste sur les investissements dans des secteurs moteurs du développement comme le secteur pharmaceutique et celui des start-up. Tout en soulignant la nécessité d’investir dans des secteurs essentiels au développement, M. Elumelu a insisté sur les milliards de dollars que son entreprise allait investir dans un secteur en difficulté, celui de l’électricité en Afrique subsaharienne. L’ancien président ghanéen John Kufuor a fait part de son désaccord sur ce point, précisant que la philanthropie consistait à donner sans rien attendre en retour.

Stratégie
L’approche de Mme Saraki et M. Elumelu, dénommée philanthropie stratégique, vise à résoudre les problèmes à la source. Tous deux pensent qu’en offrant une éducation aux femmes, les philanthropes les aident à éviter les problèmes de santé de la procréation. 
La pauvreté en Afrique, exacerbée par la diminution de l’aide au développement, replace la philanthropie stratégique au cœur du débat. Le Center for International Grantmaking, un organisme d’évaluation de l’octroi des subventions basé aux États-Unis, note qu’en 2010, suite au ralentissement de l’économie mondiale, les donations à l’étranger des fondations américaines ont diminué de 4 %. De nombreuses fondations n’ont ainsi pu poursuivre leur travail en Afrique.
Les philanthropes africains sont conscients de cette tendance. Dans le cadre d’un forum du secteur privé sur l’Afrique (qui s’est déroulé lui aussi en en octobre à l’ONU), Mo Ibrahim, le milliardaire des télécoms soudanais, a indiqué qu’en lieu et place d’aides et de subventions, l’imposition de taxes sur les multinationales règlerait le problème de la pauvreté du continent. Mo Ibrahim a ainsi expliqué que l’Afrique perdait chaque année entre 30 et 40 milliards de dollars de ressources du fait de l’évasion fiscale dont se rendent responsables les représentants des entreprises étrangères implantées en Afrique. « ayez vos impôts ,  supplié M. Ibrahim en s’adressant aux dirigeants de ces entreprises. Et d’ajouter : « Nous n’avons pas besoin de votre aide. »

Inquiétudes
Halima Mohamed et Bhekinkosi Moyo affirment dans leur article pour le magazine Alliance que « le recours à la philanthropie pour compenser les pratiques commerciales abusives » est à décourager. « Si les profits de l’entreprise ont été réalisés sur un territoire dont les habitants ont été dépossédés de leur droits fonciers, et si cette entreprise s’engage ensuite dans des activités philanthropiques, il y a lieu de poser de sérieuses questions. » 

Credit photo: UN Photo/Eskinder Debebe
Mo Ibrahim (à droite), Président de la Foundation Mo Ibrahim 
L’African Philanthropy Forum (APF) a été lancé en avril 2013. Il comporte un volet d’évaluation par les pairs qui devrait permettre de répondre à ces inquiétudes. L’APF est une émanation du Global Philanthropy Forum (GPF) et a été créé pour promouvoir la philanthropie stratégique en Afrique. En annonçant le lancement de l’APF, Jane Wales, la présidente-directrice générale du GPF, a déclaré qu’alors même que la pauvreté persistait en Afrique, des hommes et femmes généreux, passionnés et « au sommet de leur carrière  étaient « déterminés à changer la donne » sur le continent. En s’exprimant ainsi, Jane Wales avait peut-être en tête les 55 milliardaires africains désignés par Ventures, un magazine économique basé au Nigéria, comme possédant une fortune combinée de 145 milliards de dollars. 

Défi
Avant le lancement de l’APF, des individus comme Mo Ibrahim mettaient déjà en œuvre des activités favorisant la croissance économique et la responsabilité politique. À partir de 2007, la Fondation Mo Ibrahim a commencé à décerner un prix annuel aux dirigeants africains qui, lorsqu’ils étaient au pouvoir, ont mis en valeur leur pays, arraché les gens à la pauvreté et ouvert la voie à une prospérité durable et équitable sans pour autant chercher à changer les lois existantes pour prolonger leur mandat. Les lauréats reçoivent 5 millions de dollars sur 10 ans, 200 000 dollars par an pour le reste de leur vie et 200 000 dollars de plus à allouer à une organisation caritative de leur choix. Parmi les dirigeants déjà récompensés figurent les anciens présidents Joaquim Chissano du Mozambique et Festus Mogae du Bostwana, mais depuis 2011, aucun lauréat n’a été distingué. 

Par le biais de sa fondation Mara, l’Ougandais AshishThakkar a dépensé 1 million de dollars l’an dernier pour « créer des richesses par le biais du renforcement des capacités, du parrainage et des réseaux d’information ». La fondation fournit des fonds aux start-up et entreprises à hauts risques mais dont le potentiel de croissance est important. Elle finance aussi la rénovation des lycées ougandais, décerne des bourses aux étudiants pauvres d’Afrique de l’Est et offre des formations gratuites aux entrepreneurs de start-up.   

L’APF doit maintenant aider la philanthropie africaine à se hisser au niveau supérieur. Lors du forum sur le secteur privé en Afrique, le Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a bien résumé la situation en déclarant que « l’Afrique peut et doit prendre en main son propre destin ». Sous l’impulsion de la génération actuelle de riches financiers du continent, le nombre modeste mais croissant de philanthropes africains devrait s’atteler à cette tâche. 


 

Afrique de l’Ouest : sécurité en eaux troubles

Par: Nirit Ben-Ari 

Pour beaucoup, l’expression piraterie maritime évoque l’image d’un marin borgne buvant du rhum et fredonnant des chansons obscènes. Pour les plus jeunes, elle renvoie au personnage de Jack Sparrow interprété à l’écran par Johnny Depp, dans Pirates des Caraïbes. Mais la piraterie maritime n’a pas le romantisme d’un film d’action. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer estime qu’elle est un « acte illicite de violence ou de détention  commis en haute mer contre des navires ou des aéronefs. C’est surtout un problème et une menace pour la sécurité des navires, leurs équipages et pour les économies des pays affectés.

Alors que le phénomène semble décliner au large de la Somalie, il s’aggrave en Afrique de l’ouest. Selon l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC), les attaques se concentrent dans le delta du Niger, au large du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, de la Guinée et du Togo.

Selon l’agence de presse Reuters, « ette année, la piraterie au large des côtes nigérianes a augmenté d’un tiers contre les navires traversant le Golfe de Guinée, important point de passage des produits de base ». Contrairement aux pirates somaliens, qui réclament généralement une rançon, ceux d’Afrique de l’Ouest volent également des biens, le pétrole notamment. Plusieurs attaques se sont soldées par la mort de membres d’équipage. Pis encore, ces attaques nuisent à l’économie. Pour nombre de pays affectés l’impact de ces actes sur la hausse des primes d’assurance et autres coûts liés au commerce est préoccupant.

Selon les chiffres de l’ONUDC publiés en mars 2013, au Bénin par exemple, les taxes sur les échanges commerciaux constituent la moitié des recettes de l’État, dont 80 % proviennent du port de Cotonou. L’an dernier, l’augmentation de la piraterie en Afrique de l’Ouest a conduit la Lloyd’s Market Association, un groupe d’assureurs maritimes basé à Londres, à placer le Bénin et le Nigeria notamment dans la même catégorie que la Somalie, affirme Claims Journal, une revue des professionnels de l’assurance. Cette reclassification a entrainé une baisse du transport maritime dans la région et causé la perte de 28 % des recettes de l’État béninois. Elle a aussi affecté les citoyens ordinaires par le biais de l’augmentation du coût des importations et la baisse de la compétitivité des produits exportés.

Pour se protéger des pirates, au large de la Somalie, des gardes armés accompagnent désormais les navires de passage, rapporte Reuters. En Afrique de l’Ouest au contraire, les navires doivent jeter l’ancre, devenant ainsi des cibles faciles pour les criminels. Ceci entraîne fatalement une hausse des frais d’assurance.

Crédit photo: Photo: IRIN/Daniel Hayduk
Un membre de l'équipage du RBD Anema E s'apprête à jeter l'ancre au port de Lomé
La corruption, un moteur

Selon le Dr Christian Bueger, chercheur à l’Université de Cardiff et rédacteur en chef d’un portail en ligne spécialisé sur ces questions (www.piracy-studies.org), la corruption, le laxisme dans l’application des lois et la pauvreté sont souvent les principales causes de la piraterie. Dans un entretien avec Afrique Renouveau, le Dr Bueger soutient que « la piraterie semble être organisée ou soutenue par des communautés marginalisées qui ne participent pas au développement économique. »

Au Nigeria, où ont eu lieu la plupart des actes récents de piraterie sur le continent, la corruption dans le secteur pétrolier a aggravé le problème. La Chatham House, un groupe de recherche britannique, estimait en septembre 2013 que « la corruption et la fraude sont monnaie courante dans le secteur pétrolier du pays » et « qu’il est difficile de distinguer l’approvisionnement légal ou illégal du pétrole au Nigéria ». Dans un tel contexte, pour les pirates, la garantie d’écouler le pétrole volé est une motivation supplémentaire.

Martin Murphy, professeur à l’Université de Georgetown aux États-Unis et chercheur au Atlantic Council of the United States, estime que « le ravitaillement illégal est très rentable au Nigeria ». Il ajoute que « l’ampleur des pertes est stupéfiante », l’estimant à plus de 100 milliards de dollars depuis 1960.

Les dégâts causés par les voleurs ont forcé les compagnies pétrolières à fermer les oléoducs. En octobre 2013, la compagnie Shell a vendu quatre de ses blocs pétroliers nigérians suite au détournement régulier de grandes quantités de pétrole de ses pipelines, entraînant une baisse drastique de la production qui est passé à environ 400 000 barils par jour, bien loin des 2,5 millions de barils par jour dont le pays est potentiellement capable. Selon le New York Times NuhuRidabu, ancien haut responsable anti-corruption du Nigeria, avait révélé en 2012 dans un rapport qu’au cours de la décennie précédente, 6% à 30 % de la production pétrolière du pays avait été subtilisée.

Combattre la piraterie
Pour le Dr Bueger, quatre mesures s’imposent pour lutter contre la piraterie. Premièrement, les États concernés doivent partager des informations sur ce qui se passe au large de leurs côtes. Deuxièmement, des activités de formation conjointes sont nécessaires pour permettre aux pays d’élaborer des procédures et maîtriser la technologie. Cette formation servirait à préparer les générations futures de professionnels de la sécurité maritime. Elle permettra aussi d’instaurer un climat de confiance entre les différents organismes. Troisièmement, les États affectés par la piraterie maritime devraient élaborer une législation forte pour poursuivre les criminels. Enfin, les États devraient se doter de budgets conséquents pour renforcer leurs capacités.

Le Dr Bueger explique « qu’un État peut disposer d’informations, avoir des gardes-côtes bien formés, et même appliquer toutes les lois appropriées, il n’en demeure pas moins impuissant sans navire ». Parmi les États les plus affectés par la piraterie, seuls l’Afrique du Sud et le Nigeria possèdent une marine professionnelle. Les autres pays possèdent en général de petits gardes-côtes désuets avec trois à cinq petites embarcations.

Lutte et acquis
Plusieurs instruments juridiques internationaux existent pour lutter contre la piraterie. Le principal accord est la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui établit des zones économiques exclusives sur lesquelles chaque État dispose de droits d’exploitation, de production d’énergie hydraulique et éolienne et d’utilisation des ressources marines. Pour que cet accord soit opérationnel, les États doivent l’adopter et l’intégrer à leur législation nationale. Tous les pays d’Afrique de l’Ouest ont signé et ratifié la Convention sur le droit de la mer.

Toutefois, le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas encore lancé d’appel en faveur d’une action internationale concertée contre la piraterie le long du Golfe de Guinée, contrairement à la Somalie où, en juin 2008, il avait autorisé d’autres pays à pénétrer dans les eaux territoriales somaliennes pour arrêter les pirates. En 2011, le Conseil a adopté deux résolutions exprimant sa préoccupation au sujet de la piraterie dans le Golfe de Guinée et exhortant les États à renforcer la législation nationale, élaborer un cadre régional global de lutte contre la piraterie, élaborer des orientations appropriées à la navigation et coopérer dans la poursuite des pirates et de leurs commanditaires.

Il existe en Afrique de l’Ouest une infrastructure institutionnelle de lutte contre la piraterie. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dans son traité de 1993, dispose d’une composante maritime visant à harmoniser toutes les questions maritimes dans la région, l’Organisation Maritime de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, créée dans les années 1970, lie les pays membres à un accord similaire. L’année dernière, la CEDEAO, la Commission du Golfe de Guinée et la Communauté économique des États de l’Afrique Centrale ont signé un protocole d’accord entre l’Organisation maritime internationale et l’Organisation maritime d’Afrique de l’Ouest et du Centre, afin d’établir un réseau sous-régional intégré de surveillance des côtes en Afrique de l’Ouest et du Centre, entre autres.

En dépit de ces actions régionales la piraterie est en hausse. Le Bureau maritime international soutient que, même si les tentatives et actes de piraterie dans le Golfe de Guinée sont passés de 54 en 2008 à 37 en 2010, on a observé depuis une aggravation constante : 49 actes en 2011 et 58 actes en 2012. En Août 2013, le Nigéria à lui seul enregistrait 28 attaques. Ces chiffres pourraient être trompeurs car de nombreux incidents ne sont pas signalés.

Mais la piraterie n’est pas la seule menace sécuritaire en mer. « La piraterie a exposé des problèmes plus graves liés à l’insécurité maritime », souligne le Dr Bueger, tels que le trafic d’êtres humains, d’armes et de stupéfiants et la pêche non réglementée et illégale. Ainsi, dit-il, l’attention actuellement accordée à la lutte contre la piraterie pourrait être utilisée par la communauté internationale comme tremplin pour créer des institutions durables chargées de la sécurité maritime.

Même si les institutions internationales jouent un rôle crucial dans les efforts de lutte contre la piraterie, il faut un engagement à long terme. L’Union Africaine a déjà déclaré que son objectif est de mettre en place une stratégie africaine de sécurité maritime d’ici  2050. Cette stratégie a notamment pour objectif d’assurer la sécurité et la sûreté des systèmes de transport maritime, d’empêcher tout acte malveillant et criminel en mer, et de coordonner et d’harmoniser les poursuites pénales.

En attendant la mise en œuvre de cette stratégie à long terme, une action concertée s’impose afin d’éliminer la piraterie en Afrique de l’Ouest avant qu’elle ne se propage à d’autres zones du continent.                                






Campagne de réparation des fistules dans l’Adamaoua : du 5 au 19 novembre 2013
 
Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), Yaoundé,  22 novembre 2013


L’UNFPA en partenariat avec le ministère de la santé et le ministère de la promotion de la femme a organisé une campagne de réparation gratuite des fistules obstétricales à l’Hôpital Protestant de N’Gaoundéré du 5 au 19 novembre. Les patients venaient non seulement de la région de l’Adamaoua, mais aussi des régions du Nord, Extrême-nord et Est.

55 femmes ont été opérées sur les 60 prévues. D'autres femmes n’ont pas pu être opérées parce qu’elles présentaient des complications qui meritaient un traitement hors campagne.

La fistule obstétricale, affection longtemps négligée dans les pays en développement  est une complication qui survient en général lors d’un accouchement prolongé sans assistance médicale. C’est un orifice anormal qui laisse passer les urines et/ou les selles par les voies génitales féminines de façon continue et involontaire conduisant les personnes qui en sont victimes à un isolement profond et à la menace d’autres complications médicales.

Au Cameroun, la prévalence de la fistule obstétricale est estimée à 0.4 % (enquête démographique de santé en 2011). D’où un nombre de victimes estimé à 19000 femmes  (guéries et non guéries).
L’UNFPA est la principale organisation qui appuie le gouvernement en matière de lutte contre les fistules obstétricales.  Pour éradiquer ce fléau, trois axes d’intervention sont mis en oeuvre : la prévention, le traitement et la réinsertion.

Prévention
La prévention est le moyen premier d’éliminer la fistule.  Il s’agit essentiellement de rendre la maternité plus sûre. La stratégie de l’UNFPA pour cefaire comprend:
- La planification familiale pour prévenir les grossesses non désirées :  
- Les soins qualifiés à toutes les femmes durant la grossesse, l’accouchement  et les suites de couches.  
- La stratégie s’attaque  également aux violences envers les femmes, aux pratiques néfastes et au mariage et grossesses précoces (des adolescentes).  

Traitement
Le traitement adresse le mal : il s’agit d’une intervention chirurgicale permettant de réparer la fistule. La plupart des femmes souffrant de fistules ne savent pas qu’un traitement existe. 

Réinsertion
Le traitement de la fistule ne se limite pas à réparer les tissus. Après l’intervention chirurgicale, les femmes ont besoin d’un soutien affectif et socioéconomique pour pouvoir mener de nouveau une vie normale. 
La réinsertion permet aux femmes ayant recouvré leur pleine santé de se relancer dans la vie active. 
Grâce à ces trois stratégies clefs de prévention, traitement et réinsertion sociale,   de nombreuses femmes et filles ont pu éviter ou surmonter une affection débilitante qui a laissé— et continue de laisser— un nombre fort élevé d'entre elles souffrir dans la solitude et la honte. 
Ces activités sont réalisées dans le cadre de mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la fistule obstétricale élaborée en 2005 avec l’appui de l’UNFPA et qui s’étend jusqu’en 2015. 

Source: UNFPA 





Sécurité alimentaire

 


Rukuni prédit une progression plus rapide pour l'Afrique d'ici à 2025



Mandivamba Rukuni, professeur d'économie agricole, annonce que l'agriculture en Afrique est en passe de croître plus vite. Et qu' en 2025 le continent sera autosuffisante sur le plan alimentaire.

Il a ainsi chargé les professionnels des médias africains de promouvoir le secteur agricole afin que cette prophétie se réalise.

Prof Rukuni conseillé de l'Union africaine (UA) sur le Programme détaillé pour le développement de l'agriculture africaine (PDDAA) et de la Commission économique pour l'Afrique (CEA), entre autres, a fait ces affirmations lors d'un atelier du Réseau des journalistes du PDDAA, les 28 et 29 novembre 2013 à Centurion, près de Pretoria, en Afrique du Sud.
Selon lui, il y' a une avalanche de messages sur le développement, que les journalistes africains doivent montrer au monde entier, y compris sur l'agriculture, car de nombreux Africains sont toujours pauvres et meurent de faim.
Il a également confié à NaijaAgroNet qu' après des décennies de stagnation, l'Afrique progresse vers la sécurité alimentaire. Mais il souligne que, pour y arriver, des améliorations durables en matière de gouvernance et de stabilité politique doivent être faites.
Prof Rukuni prédit aussi que le monde industrialisé n'aura pas la capacité de nourrir 8 milliards de personnes d'ici 2040 et l'Afrique devra être la mamelle nourricière de ce beau monde au cours des 27 prochaines années. Pour lui, il suffit aux Africains  d'y  croire, de renforcer leur confiance et leur conviction.
"Les Africains ont besoin de ré-écrire leurs propres histoires, de créer leur propre avenir et d'accomplir leur propre destin. Les journalistes africains ont donc un rôle unique dans l'élaboration de reportages captivants, de manière à aider tous les acteurs à prendre conscience des enjeux ", a-t-il dit.
Le Programme Détaillé pour le Développement de l'Agriculture en Afrique, PDDAA, est selon Prof Rukuni,  une  «solution africaine à un problème africain», bien que beaucoup reste affaire pour transformer ce slogan en solution concrète.

Il souligne que la période 2000- 2012 a été une décennie prospère pour le continent Africain qui a maintenant une croissance économique impressionnante.

Malgré les bons signes mentionnés ci-dessus, le professeur Rukuni démontre que l'Afrique reste confrontée à des défis majeurs de la pauvreté et de l'insécurité alimentaire. Et lui de remarquer que la plupart des pays africains ont du mal à atteindre l'objectif numéro 1 des OMD sur l'éradication de l'extrême pauvreté et la faim d'ici à 2015.

Remmy Nweke
En Afrique du Sud 


Pix: Prof Mandi Rukuni (2) Brenda Zulu avec Mwanja Nyajo du NEPAD, Marie-Noelle Guichi et Agathe Aline










En Afrique du Sud, la classe moyenne nouvelle est arrivée


Par: Benjamin Dürr

Été 2005 : dans un quartier de Pretoria, la capitale de l’Afrique du Sud, Marilyn Cooper, une entrepreneure, reçoit ses voisins. Pour l’occasion, elle sert grillades et bière. Soudain, une idée lui traverse l’esprit : organiser un festival du vin à Soweto, le grand township noir des environs de Johannesbourg. La situation économique lui semble propice au lancement d’un tel projet. À Soweto, une classe moyenne émerge. C’est elle qui s’offre nouvelles voitures, téléphones portables, vêtements de marque, maisons de luxe et, de plus en plus, c’est elle aussi qui semble apprécier un bon verre de vin...

Un an plus tard, Marilyn Cooper s’associe à Mnikelo Mangciphu et lance le Soweto Wine Festival, premier festival du vin jamais organisé à Soweto. Le rendez-vous est désormais annuel et sa réputation ne cesse de croître. Marilyn Cooper dirige par ailleurs une entreprise de vin en plein essor. Elle reste convaincue qu’avec le développement rapide d’une classe moyenne noire, le meilleur est à venir.

Madame Cooper n’est pas la seule à partager cet optimisme. En juillet dernier, lors du forum Forbes Africa de Brazzaville, le président sud-africain Jacob Zuma a lui aussi relevé les récents progrès de cette catégorie de la population. « La croissance [de la classe moyenne noire] démontre que nous avançons et que nous améliorons la qualité de vie et les opportunités offertes à ceux qui, il y a encore 19 ans avant l’avènement de la liberté, étaient opprimés dans ce pays. » 


Démographie changeante 

 une croissance du revenu des familles noires et une consommation en hausse. Ainsi entre 2004 et 2012, le nombre de familles noires qui possèdent un lecteur DVD a progressé de 30 % à 63 %, un ordinateur de 19 % à 45 %, et un four à micro ondes de 60 % à 92 %.Pour la Banque africaine de développement, la classe moyenne d’une économie en développement englobe toute personne gagnant plus de 2 dollars par jour. Pour John Simpson, auteur d’une étude pour le compte de l’Institut de marketing stratégique Unilever à l’Université du Cap, le revenu de la classe moyenne sud-africaine varie entre 1550 dollars et 4800 dollars par mois. Selon lui, 40 % des professionnels noirs travaillent dans la fonction publique, contre 13 % de Blancs. Résultat

Nicholas Nkosi, de la Standard Bank d’Afrique du Sud, partage lui aussi cet enthousiasme. Les Noirs sont de plus en plus nombreux à devenir propriétaires, explique-t-il. Selon la Standard Bank, entre 2011 et 2012, les ventes d’automobiles auprès d’acheteurs noirs a augmenté de 19 %, alors même qu’elles n’ont augmenté que de 7 % pour les clients blancs sur la même période.

Pour Lyn Foxcroft, conseillère en affaires et auteure d’une étude sur la consommation de vin au sein la population sud-africaine, « en 2012, parmi les 8,3 millions d’adultes appartenant à la classe moyenne, 51 % étaient noirs et 34 % étaient blancs – une évolution pour le moins spectaculaire si l’on compare ces chiffres avec ceux de 2004, quand les Blancs représentaient 52 % de la classe moyenne et les Noirs seulement 32 % ». Les dépenses de la classe moyenne sud-africaine s’élèvent à quelque 40 milliards de dollars par an. Les 4,2 millions de Noirs appartenant à cette catégorie y contribuent de manière significative. La moitié de ces Noirs est détentrice d’un diplôme de fin d’études secondaire et scolarise ses enfants dans des écoles privées réputées meilleures. Selon Pravin Gordhan, ministre sud-africain des Finances, le revenu par habitant en Afrique du Sud a augmenté de 40 % depuis 1994 et quatre Sud-africains sur cinq ont désormais accès à l’électricité.
UN Photo/Eskinder Debebe

Moteur économique

Les données économiques disponibles confirment l’expansion de la classe moyenne noire, ajoute John Simpson, qui voit dans ce changement démographique un moteur pour l’économie sud-africaine. Cette expansion entraîne en effet une augmentation du pouvoir d’achat des ménages et un élargissement de l’assiette fiscale de l’État.

Plusieurs facteurs expliquent ce changement, poursuit John Simpson l’accès au crédit, l’éducation, la croissance économique qui a stimulé l’emploi et le Programme d’émancipation économique des Noirs. Ce programme permet aux non-Blancs – catégories de la population autrefois défavorisées – d’accéder aux emplois dans le secteur privé en leur accordant, entre autres, des avantages fiscaux et un traitement préférentiel.

Pour les entrepreneurs comme Marylin Cooper, les opportunités vont se multiplier. « Cette classe moyenne noire poursuivra son expansion dans les 20 ou 30 prochaines années », assure-t-elle.  

L’ascension de la classe moyenne noire ne contribue pas seulement à la croissance économique, elle est aussi « le signe d’un mouvement plus vaste de normalisation de la société », poursuit John Simpson. Jusqu’en 1994, date à laquelle l’apartheid a été aboli, les Noirs avaient peu d’opportunités d’emploi. Pour eux, l’accès à l’éducation était également limité. Le contexte économique et politique a radicalement changé depuis.

En dépit de l’optimisme du président Zuma notamment, John Simpson estime cependant que beaucoup reste à faire. «u bas de l’échelle, la pauvreté n’a pas vraiment été réduite », explique-t-il. «’ascension des uns a eu pour résultat un élargissement du fossé entre riches et pauvres. L’Afrique du Sud est devenue l’une des sociétés les plus inégalitaires au monde. »

L’étude de John Simpson montre que près de 70 % des Noirs de la classe moyenne ressentent une pression de plus en plus forte pour soutenir leurs proches les plus démunis. Cette pression est décrite de manière frappante dans un documentaire paru en 2011 et intitulé Forerunners (les Précurseurs), qui met en scène quatre familles, membres de cette nouvelle classe moyenne noire et relate les immenses efforts d’adaptation à son nouveau statut qu’elle doit consentir.

L’amélioration du pouvoir d’achat de la classe moyenne noire s’accompagne de la croissance de la restauration rapide et de l’aggravation des problèmes d’obésité notamment. En juin 2013, le géant américain du fast-food McDonald avait 185 restaurants en Afrique du Sud. Ce chiffre devrait atteindre 200 à la fin de cette année. Burger King, son rival, a ouvert son premier restaurant cette année. Sans doute le premier d’une série. Pour Jaye Sinclair, son directeur général, « moins que les exportations, c’est [le pouvoir d’achat de] la classe moyenne qui, en fin de compte, sauvera l’Afrique du Sud ».

Le Conseil de recherches médicales sud-africain s’inquiète quant à lui de constater que l’obésité n’est plus « le problème des seules nations développées, mais de plus en plus aussi celui des pays en transition ». Des études montrent que 39 % des femmes et 10 % des hommes sud-africains sont déjà obèses – ce qui signifie que leur poids dépasse celui qui est considéré comme normal pour leur taille. En revanche, la situation n’inquiète guère le secteur du fitness, lui aussi en plein essor. À Soweto, des salles de musculation s’ouvrent un peu partout dans les quartiers préférés de la classe moyenne, à l’instar de Protea Glen, Orland West et Orland East. 


Défis urbains

Avec l’exode des townships vers les banlieues, la construction de logements est elle aussi en pleine expansion. Le quotidien sud-africain Financial Mail fait ainsi état d’une pénurie de 600 000 logements. Le journal attribue le déficit actuel (qui s’élève à 100 000 logements par an, des chiffres en augmentation constante) à l’urbanisation galopante, à la réduction de la taille des familles et à une classe moyenne qui ne cesse de s’agrandir.

Les quartiers encore abordables pour les revenus moyens à Johannesbourg, Pretoria, et Durban sont surpeuplés. La forte demande de logements met aussi certains services sociaux à rude épreuve. Pendant l’hiver par exemple, la demande en électricité explose et provoque de nombreuses coupures.

De nombreux experts du développement s’accordent cependant sur une chose : la croissance de la classe moyenne noire sud-africaine est bénéfique. Elle renforce la première économie du continent et permet au pays d’avancer vers une société prospère. Marilyn Cooper croit en en tout cas que « pour l’Afrique du Sud, le meilleur est à venir. »



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