vendredi 22 novembre 2013

Astuces pour financer efficacement l’économie dans un contexte de surliquidité


Les trois axes de solutions de Mathieu MANDENG 

Le Président de l’Association des professionnels des établissements de crédit du Cameroun (APECCAM)  jette un regard panoramique sur le paradoxe de la surliquidité bancaire en Afrique et le sous-financement des PME. Et suggère des pistes de solutions pour résoudre cet épineux problème.

Le dernier rapport de la zone franc établi à fin 2012, que depuis les ajustements opérés en 2009 en réponse à la crise financière mondiale, les politiques monétaires conduites par les banques centrales des pays de la zone franc sont restées accommodantes. Mathieu Mandeng l’a rappelé au cours du forum international de la finance en Afrique subsaharienne, FIFAS 2013, qui prend fin ce 22 novembre 2013 à Douala. Le président de l’APECCAM observe que l’assouplissement des conditions de refinancement des établissements de crédit n’a toutefois eu, jusqu’à présent, qu’un « effet limité sur les taux de financement de l’économie réelle, compte tenue de l’importante surliquidité globale des systèmes bancaires »


Mathieu Mandeng

Rejoignant la plupart des experts présents à FIFAS 2013,  Mathieu Mandeng relève que les économies de la zone franc restent caractérisées par une situation de surliquidité globale des systèmes bancaires attestée par la persistance d’importantes réserves excédentaires, représentant en CEMAC près de trois fois les montants des réserves obligatoires et 100% de ceux-ci en UEMOA. Une situation qui nécessite une vigilance accrue compte tenu des risques inflationnistes qu’elle recèle potentiellement, dira-t-il. 

Et de noter au passage que les taux de couverture de l’émission monétaire, qui constitue un objectif intermédiaire de la politique monétaire, ont par ailleurs dépassé largement le seuil minimal fixé dans le cadre des accords de la zone franc (20%) et se sont établis à 105,5% en UEMOA, 98,4% en CEMAC et 99,1% aux Comores, témoignant de la solidité des francs CFA et  du franc comorien.

Mathieu Mandeng remarque que « le Paradoxe de la surliquidité dans nos économies montre que l’amélioration du financement de nos économies est à rechercher davantage dans l’accès à cette liquidité que dans sa disponibilité ». Et de mentionner que, dans un contexte marqué par la prépondérance des petites et moyennes entreprises, le problème qui se pose est plutôt celui de la mise en relation efficiente des agents économiques à besoins de financement et ceux à capacité de financement. 



Au premier plan, Mathieu Mandeng à FIFAS 2013



D’où l’appel du président de l’APECCAM, en direction de tous les acteurs concernés, afin que chacun joue son rôle, principalement les autorités monétaires et les établissements financiers, notamment dans le cadre de la régulation et de l’amélioration de la division des risques et de la transformation des échéances. Pour se tirer d'affaires, il propose trois axes majeurs de solutions afin d'améliorer sensiblement l’offre de crédit aux économies africaines.

D’abord, l’accroissement du taux de bancarisation. Ce qui suppose des solutions aux problèmes liés à la proximité, aux coûts des services bancaires à l’image; c’est-à-dire au facteur confiance. Ce, en ce qui concerne la banque des particuliers, dont l’objet sociétal, est essentiellement d’aider les ménages à acquérir leur logement et à accroître leur richesse. Ensuite, Mathieu Mandeng évoque la nécessité de résoudre les problèmes liés à l’absence d’information sur le crédit dans un contexte de forte asymétrie de l’information. Il propose enfin le développement d’une véritable infrastructure financière.

Marie-Noëlle Guichi

jeudi 21 novembre 2013

SURLIQUIDITE BANCAIRE: PME africaines et banques, toutes au banc des accusés


Si les petites et moyennes entreprises (PME) accusent les banques de ne prêter qu’aux riches, elles ne sont pas, à leur tour, exempts de critiques.

Les professionnels du secteur banque et finance, réunis à Douala depuis hier, dans le cadre du 1er forum international de la finance en Afrique subsaharienne sont unanimes sur un fait : les chiffres sur la surliquidité bancaire en zone CEMAC donnent du tournis. L’on parle de plus 7000 milliards de francs CFA que gardent jalousement les banques commerciales d’Afrique centrale. Ce, pendant que les PME trinquent, éprouvant d’énormes difficultés à trouver des financements pour leurs projets d’investissement. 

En zone UEMOA, la situation n’est guère reluisante. Le taux de financement des PME y tourne autour de 5%. Là-bas, comme en zone CEMAC, les banques surestiment le risque associé au financement d’une grande partie des entreprises. Ce qui se traduit par l’insuffisance des prêts vis-à-vis des dépôts. Et donc, par l’augmentation de leur liquidité au-delà du seuil requis. Toute chose que ne sanctionnent pas les banques centrales, plutôt occupées à contrôler les réserves bancaires qui doivent être considérables en permanence.

Des panélistes de FIFAS 2013

Au Mali par exemple, sur 100 demandes de crédits par les PME, moins de 3 sont acquises. Mme Berthe Minian Bengaly, ancien banquier et aujourd’hui Directrice générale du Centre International pour le Conseil et la Formation au Mali, l’a souligné hier, 20 novembre 2013. C’était dans un panel sur le sous-emploi des liquidités bancaires dans le secteur privé africain, modéré par Thierry EKOUTY, Directeur de publication du journal « Le Quotidien de l’économie ».

Dans ce même panel, Nadine Tinen, membre du conseil exécutif du Groupement inter-patronal du Cameroun (GICAM) et directrice générale de PriceWaterhouse Cameroun, Tchad et Guinée Equatoriale a relevé, pour tenter de comprendre cette frilosité des banques, le risque élevé d’insolvabilité des PME, ainsi que l’insuffisance du cadre juridique et judiciaire en matière de recouvrement des créances et de règlement des différends.

Un autre panéliste, Georges Patinvoh, maître de conférences au Centre de formation professionnelle bancaire et Directeur du contrôle et de la conformité à la Banque Atlantique du Bénin a évoqué la mauvaise qualité de l’information financière produite par les PME, très souvent méconnues des banques, du fait que la plupart de ces entreprises évoluent dans le secteur informel. Et peuvent, à tout moment, fondre comme neige dans la nature, au grand dam des banquiers désormais plus prudents qu’il n’en faut.

Marie-Noëlle Guichi

mercredi 20 novembre 2013

Beurre de karité : une source d’opportunités pour les Africaines




Le commerce équitable procure des revenus décents à des millions de personnes.

Par Rebecca Moudio
Dans un hôtel de luxe de Manhattan, des femmes en robe traditionnelle africaine se dirigent vers une salle de conférence. Au milieu des complets gris et noirs, leur tenue offre un contraste saisissant. La foule est hétéroclite, mais unie autour d’un même thème : le beurre de karité, produit à partir d’une noix africaine et utilisé en cosmétique. 
C’est en mai 2013, en Amérique du Nord, que s’est tenue la toute première conférence de l’industrie du karité. À cette occasion, les producteurs africains ont pu rencontrer des géants de l’industrie cosmétique, comme L’Oréal ou BodyShop. Ces dernières années, la forte augmentation de la demande de beurre de karité les a amenés à réclamer une juste rémunération de leur labeur.
Ce beurre est extrait des noix du karité, un arbre poussant dans la région du Sahel. Il a depuis longtemps été surnommé « l’or des femmes », non seulement pour sa couleur dorée (bien qu’il puisse aussi être blanc dans certaines régions) mais surtout parce qu’il procure un emploi et des revenus à des millions d’Africaines. Souvent organisées en coopérative, les femmes récoltent les fruits du karité selon des méthodes traditionnelles. Elles broient ensuite les amandes qu’ils contiennent pour en extraire le précieux beurre, qui est vendu sur les marchés locaux ou internationaux. Ce beurre est comestible et peut donc être utilisé en cuisine, mais il sert principalement en cosmétique.
Selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le beurre de karité fait travailler directement ou indirectement environ trois millions d’Africaines. Les principaux pays producteurs sont le Nigéria, le Mali, le Burkina Faso, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Togo. 

De bons revenus
Je gagne beaucoup d’argent pour ma famille en vendant du beurre de karité », a confié à Afrique Renouveau Lucette Ndogo, une vendeuse réputée sur le Marché central de Douala (Cameroun). Elle achète du beurre du Burkina Faso en gros pour le revendre à profit à des clients qui se fient à la qualité de ses produits.
Antoine Turpin de IOI Loders Croklaan, un producteur mondial d’huiles alimentaires, a déclaré au New York Times que le [beurre de] karité constitue une importante source de revenus pour des millions de femmes et leur famille en Afrique. Pour que ce secteur soit viable, il est essentiel d’assurer l’autonomie économique des femmes ». Le New York Times indique que la société de M. Turpin achète à elle seule près de 25 % des noix de karité cueillies par les femmes en Afrique de l’Ouest.
La demande croissante de produits bio et naturels en occident a fait du beurre de karité un produit très prisé. Connue pour ses vertus thérapeutiques naturelles, cette substance entre dans la composition de nombreux produits de beauté et de soins de la peau. Les consommateurs la préfèrent aux agents chimiques agressifs, aux colorants et excipients artificiels souvent utilisés dans les produits cosmétiques classiques.
Le beurre de karité est aussi utilisé dans les produits alimentaires. Les chocolatiers le substituent au beurre de cacao pour obtenir un point de fusion plus élevé et une texture plus onctueuse. Ce beurre sert aussi à la fabrication de fameuses barres chocolatées, comme les Kit Kat ou Milky Way.

L’or des femmes
Selon le New York Times, une étude menée au Burkina Faso en 2010 par l’USAID a révélé que pour 1 000 dollars de noix de karité vendues dans un village, les recettes, une fois injectées dans d’autres types d’activité économique, génèrent quelque 1 580 dollars supplémentaires. Le beurre de karité exporté de l’Afrique de l’Ouest rapporte entre 90 et 200 millions de dollars par an, ajoute le quotidien. La demande vient non seulement des grandes entreprises mais aussi de millions d’entrepreneurs qui espèrent faire fortune.
Cette forte demande soulève des questions éthiques, comme c’est souvent le cas des produits provenant des pays en développement. La récente popularité du karité s’accompagne d’une augmentation du nombre d’associations et de coopératives de commerce équitable réclamant un traitement juste des femmes africaines.
Produits à prix abordables
Le commerce équitable est un mouvement social, né dans les années 1980, qui vise à améliorer les conditions commerciales entre les producteurs des pays en développement et les acheteurs des pays développés. Ses partisans cherchent également à sensibiliser les consommateurs, estimant qu’un consommateur informé serait prêt à payer plus si le producteur est traité équitablement en retour. Pour que leurs produits soient achetés à un prix équitable, les producteurs doivent respecter les normes environnementales et conditions d’emploi recommandées par des organismes de certification, par exemple Fairtrade International, World Fair Trade Organization, Fair Trade USA et Fair Trade Federation.
Le modèle du commerce équitable semble constituer un progrès par rapport au commerce classique. Acheter les produits aux prix du marché assure un prix minimal aux producteurs. Les produits généralement associés au commerce équitable sont le café, le cacao, les bananes, les fleurs, l’or et d’autres produits exotiques. Il y a peu de temps encore, le beurre de karité ne faisait pas partie des produits africains les plus demandés.
D’après Harriet Lamb de la Fairtrade Foundation, « Le commerce équitable combat les injustices du commerce conventionnel, dont les producteurs les plus vulnérables ne parviennent souvent pas à couvrir les coûts de revient de leurs produits. C’est un peu comme un salaire minimum national pour le commerce mondial. Ce n’est pas parfait, ce n’est pas une formule magique mais c’est un pas dans la bonne direction. »
Commerce équitable ?
Philip Booth, du groupe de réflexion britannique Institute of Economic Affairs, voit les choses différemment. Il soutient qu’il « n’a pas été clairement démontré que les producteurs bénéficient de prix plus élevés dans le cadre du commerce équitable. Ce commerce peut être bénéfique dans certains cas, mais il ne mérite pas toujours sa réputation ».
Les détaillants en produits cosmétiques présentent souvent le beurre de karité du commerce équitable comme un produit éthique, authentique, traditionnel et exotique qui encourage la solidarité féminine. Ce beurre est produit par des Africaines pour être principalement consommé par des Européennes et des Nord-Américaines à la recherche de produits « équitables ». Un grand nombre de sociétés et petits entrepreneurs affirmant utiliser dans leurs produits du beurre de karité issu du commerce équitable, il peut s’avérer difficile de distinguer la stratégie commerciale du réel engagement.
L’Occitane en Provence, une multinationale française mondialement connue pour ses produits de beauté de luxe à base d’ingrédients naturels, est fière d’utiliser du beurre de karité issu du commerce équitable. En 2013, le PNUD a classé son modèle économique, pour ses activités au Burkina Faso, parmi les 12 modèles les plus innovants et inclusifs en Afrique.
Un espace d’échanges
Un rapport du PNUD, L’Occitane au Burkina Faso : Bien plus que du commerce avec les producteurs de beurre de karité, met en lumière l’engagement de la société, sa collaboration avec 15 000 productrices rurales et l’utilisation du beurre dans ses produits. Selon ce rapport, L’Occitane estime qu’elle paie 20 à 30 % plus cher le beurre de karité du Burkina Faso par rapport à celui des industriels occidentaux. Les ventes de beurre de karité à L’Occitane représentent des revenus d’environ 1,23 million de dollars par an pour les coopératives rurales et leurs 15 000 femmes membres.
Pour que le commerce équitable bénéficie à davantage d’Africaines travaillant dans le secteur du karité, l’Alliance mondiale du karité, une association qui œuvre pour la durabilité et la qualité du secteur a organisé la conférence de mai 2013 à New York. Son objectif était de favoriser l’échange d’idées le long de la chaîne logistique, entre les cueilleurs, producteurs, marchands, acheteurs industriels et consommateurs.
The Body Shop utilise le karité depuis plus de 19 ans et nous sommes pleinement résolu à construire un secteur du karité durable », a déclaré Mark Davis, directeur du service commerce équitable de la société. « Pour atteindre cet objectif, il est indispensable de faire partie de l’Alliance mondiale du karité.
D’autres produits mondiaux, comme le café, sont aujourd’hui associés au commerce équitable, et nombreux sont les acteurs du secteur du karité qui espèrent suivre cet exemple. Salima Makama, présidente de l’Alliance mondiale du karité, est persuadée que les Africaines qui sont venues à New York sont bien parties pour transformer les exportations de beurre de karité en or véritable .