mardi 5 novembre 2013

DE L'ÉLECTRICITÉ DANS L'AIR A EMANA-YAOUNDE



Le Cameroun sous « délestage » 12 ans après la privatisation

Tandis qu’à AES-SONEL, l’on se targue de faciliter l’accès des populations à l’électricité en branchant plus de 55 000 familles en moyenne chaque année contre 15 000 seulement avant la privatisation, les usagers, eux, expriment leur insatisfaction, et même parfois leur ras-le-bol.    



Le quartier Emana à Yaoundé, secteur dit « derrière la gendarmerie » est déjà à trois mois sans électricité. Les auditeurs de la Cameroon Radio and Télévision, CRTV, l’ont appris ce 05 novembre 2013 avec stupéfaction. Le journaliste de ce média de service public, qui déplore cette situation dans le cadre de l’émission « CRTV m’accompagne », rigole en disant que les populations de cette localité, sont dans les ténèbres. Ce, en plein cœur de la capitale politique du Cameroun et en plein 21ème siècle.  

Quelques jours plus tôt, c’est un autre journaliste, Parfait Siki, directeur de la rédaction de l’hebdomadaire « Repère », qui dénonçait ce délestage permanent sur son mur facebook ; indiquant au passage que les populations concernées s’apprêtent à manifester leur ras-le-bol sous peu de temps. Cette annonce n’a en rien ému les dirigeants d’AES-Sonel, restés de marbre à ce jour. On se souvient juste qu’en début d’année, un communiqué laconique tendait à préparer les esprits à ce qui se passe à Emana et certainement dans beaucoup d’autres endroits du pays aujourd’hui.





Jean David Bile, DG d'AES-SONEL

« La société AES-SONEL informe son aimable clientèle qu’elle se trouve dans l’obligation de procéder à la modulation de la demande afin de maintenir l’équilibre du système électrique»,  écrivait, dans un communiqué largement diffusé le 7 février 2013, Aes-Sonel, le groupe américain, concessionnaire du service public de l’électricité depuis 2001 au Cameroun. La raison avancée : « le service connaît en ce moment de fortes perturbations autant en journée que le soir aux heures de pointe », indiquait ledit communiqué qui intervenait après l’annonce, par le Réseau associatif des consommateurs de l’énergie (RACE), de l’ouverture d’un service de contentieux pour amener les usagers domestiques à engager des poursuites judiciaires contre cette compagnie en charge de l’énergie au Cameroun depuis la privatisation.
La réaction d’Aes-Sonel n’a pas empêché le Manidem, parti politique de l’opposition, de faire une sortie fracassante dès le lendemain. « L'incompétence d'Aes-Sonel, sa réticence à engager des investissements conséquents en matière d'équipement, son obstination à faire à tout prix des profits exorbitants, et surtout le laxisme du gouvernement kamerunais dans le contrôle de l'application du cahier de charges d'Aes-Sonel, sont les principales causes de nos malheurs », soulignait cette formation politique dans une déclaration publique, le  08 février 2013.
Elle y relevait les conséquences désastreuses de l’arrêt brusque de la fourniture d’électricité. Entre autres, la cessation des activités économiques, l’augmentation de l'insécurité dans les villes et campagnes, la perturbation de la scolarisation des jeunes, l’augmentation du nombre d’incendies dans les villes, les dégâts considérables dans la conservation des aliments, la détérioration des conditions de vie des populations... 


Une interruption chaque jour          
                                   
Rendu au mois novembre, la situation n’a pas beaucoup évolué. « Il faut que je me procure une lampe rechargeable pour que les enfants puissent étudier le soir. Ç’en est trop. Presque tous les jours maintenant, il y’a délestage. C’est même quoi avec AES-SONEL ? », S’énervait il y’a quelques jours, Henri Pokam, fonctionnaire à la retraite. Il exprimait son exaspération juste après une coupure intempestive intervenue dans la soirée, au quartier Simbock à Yaoundé. La veille déjà, presque à la même heure, il avait subi pareille interruption de l’énergie électrique et y a épuisé toutes ses bougies, avant le retour, des heures plus tard, de la capricieuse lumière d’Aes-Sonel.
 
Bougie, lampes tempêtes, ampoules rechargeables, les Camerounais ne s’en passent plus. La récurrence des coupures intempestives et interminables d’électricité, ces délestages, qui ont fait irruption dans leur vocabulaire depuis une dizaine d’année déjà de présence d’Aes-Sonel en terre camerounaise, les y obligent. 
Les chiffres du Rassemblement de la jeunesse camerounaise (RJC) sont effroyables. Plus de 1025 coupures d’électricité ont eu lieu sur l’ensemble du pays, pour la seule année 2011, selon cette association.  Dans une enquête menée auprès de 10 000 abonnés d’Aes-Sonel sur l’ensemble des dix régions du pays, et publiée en août 2012 par l’Agence de régulation du secteur de l’électricité, Arsel, en collaboration avec l’Institut national de la statistique, l’on apprend « qu’en moyenne, les abonnés enregistrent 6,8 interruptions par semaine, soit pratiquement une (01) interruption chaque jour ». 
Cette étude précise que « les régions du Littoral, du Nord-ouest, de l’Ouest, du Sud et du Sud-ouest sont particulièrement affectées par l’ampleur des interruptions, lesquelles sévissent davantage en milieu rural et périurbain ». Tous les abonnés sont concernés, que ce soit en basse ou moyenne tension. Au sujet de la qualité de la tension, l’enquête indique que « de milliers d’abonnés, soit 35% déclarent éprouver des difficultés à allumer leurs lampes à un moment donné de la journée ».


Prix grimpant, fourniture déficitaire

Les tarifs n’ont fait que grimper, malgré la mauvaise qualité du service, que déplorent les usagers dans leur grande majorité. Depuis le 1er juin 2012, avec l’accord du gouvernement, et malgré la contestation des mouvements des consommateurs, avec en tête la Ligue Camerounaise des Consommateurs, la société d’électricité a procédé à une hausse de 7% du prix du kilowatt pour les clients de basse tension et de 8,2% pour les clients non-domestiques. Un peu comme pour justifier ces coût élevés, le Directeur Général d’Aes-Sonel, Jean David Bilé a déclaré dans un message télévisé lors de la campagne marquant le 10 anniversaire de la  compagnie que : « aujourd’hui encore, près de 26% de l’électricité qui est délivrée sur le réseau électrique est volé. Cette énergie volée met  une charge importante sur l’entreprise, mais aussi sur ceux qui payent leurs factures d’électricité».  
Quant à l’offre, elle serait déficitaire. Des sources non officielles situent le déficit de l’énergie électrique au Cameroun à 3000MW. Mais selon des documents fournis par Aes-Sonel -qui a une capacité de production installée de 1015 MW dont 71% de la production provient de l’hydraulique-,  la demande se situe autour de 900 MW et l'offre à plus 1000 MW. La compagnie projette cette demande à 1000 MW d’ici 2016. Et, depuis la mise en service de la centrale à gaz de Kribi, avec ses 216 mégawatts de puissance additionnelle injectée dans le réseau dès fin mars 2013, la capacité de fourniture d’Aes-Sonel est relevée à près de 1 216 mégawatts.  Ce qui vent s’ajouter au 100 MW que livre le Programme thermique d’urgence du gouvernement, qui fonctionne au gasoil dans quatre villes du pays : Mbalmayo, Yaoundé, Ebolowa, et Bamenda.  Qu’est qui explique donc les délestages actuels si l’offre dépasse déjà la demande ?

Centrale à gaz de Kribi

Des projets pour relever le défi
C’est avec les privatisations que la Société nationale d’électricité (Sonel) est rachetée par AES, une firme américaine, et devient AES-Sonel, en 2002. La firme américano-camerounaise est alors chargée de la production, du transport, de la distribution et de la commercialisation de l’énergie électrique. Depuis lors, on invoque très souvent là-bas, soit l’étiage due à la saison sèche, soit la faible capacité de réserve en période de crue, ou alors  les pannes du réseau de transport  et de distribution pour justifier ce que RACE, présidé par Paul Gérémie Bikidik, appelle « incompétence », d’un opérateur qui convoque régulièrement des arguments « fantaisistes » pour  « masquer ses défaillances techniques ».
Selon RACE "seuls 2 Camerounais sur 10 ont accès à une électricité de plus en plus chère, alors que le pays possède le 2ème potentiel hydroélectrique d’Afrique après la R.D-Congo". Paul Gérémie Bikidik pense alors qu’il faut stopper le recours systématique au thermique et faire du développement du potentiel hydroélectrique national -estimé à 12 000 MW/an- la priorité des priorités de la politique énergétique du Cameroun.
Les autorités pour leur part, misent sur la réalisation de plusieurs projets parmi lesquels le barrage de Lom Pangar de 73,6 MW en 2014, celui de Mekin en 2015 avec un potentiel de 45 MW et celui de Mem'vele de 200 MW en 2016, pour relever ce défis majeur. Quant à AES-Sonel, elle affiche l’ambition de brancher plus de deux millions de nouvelles familles à l’horizon 2021. Reste que la qualité du service suive.

Marie-Noëlle Guichi

dimanche 20 octobre 2013

PERSPECTIVES



Comment les pays africains peuvent-ils mettre à profit les mutations géopolitiques actuelles?

Par Carlos Lopes 

Cette année, l'Afrique célèbre le cinquantenaire de la création de l'Organisation de l'unité africaine (OUA); jamais auparavant, le continent n'a été si près de  tirer profit de ses énormes ressources.  Les mutations politiques et économiques radicales intervenues au cours d'un demi-siècle ont transformé les structures de pouvoir au niveau mondial, reconfiguré les relations internationales,  et conduit à repenser sérieusement les paradigmes de développement.

Il convient de reconnaître l'importance du rôle joué par l'Union africaine dans cette transition. Créée en 1963, l’OUA a jeté les bases de l'unité du continent africain. Elle avait pour mission de débarrasser le continent des vestiges du colonialisme et de rétablir la dignité et la fierté du continent après des siècles de domination, de promouvoir l'intégration du continent et de défendre ses intérêts durant la guerre froide.  Dans l’évolution du continent, l'OUA, considérée comme le résultat  le plus notable du panafricanisme, a fait place à l'Union africaine en 2002. Symbole  d’une nouvelle ère, l'Union africaine a pour mission d’accélérer le processus d'intégration économique, de résoudre les problèmes sociopolitiques et de renforcer l’unité du continent, afin que l'Afrique puisse jouer un rôle plus important dans l'économie mondiale.
En un peu plus d'une décennie, l'Afrique a connu une croissance remarquable, passant de seulement 2,1 % dans les années 90 à 5 % au cours de la dernière décennie. Les perspectives d'avenir restent prometteuses, la croissance  économique  devant se poursuivre, selon les projections, en dépit des turbulences des marchés financiers mondiaux. La confiance des investisseurs a également été rétablie, grâce à des facteurs comme la paix, les élections démocratiques et l’amélioration de la gouvernance. Résultat, l'Afrique a attiré davantage d'investissements directs étrangers (IDE). En 2011, les projets financés par l’IDE en Afrique ont augmenté de près de 27 %. Au premier trimestre de 2012, ils s'élevaient à 80 milliards de dollars et devraient dépasser 150 milliards de dollars d'ici à 2015.

Comment l'Afrique peut-elle alors tirer parti des tendances actuelles?


Les Africains peuvent prendre le contrôle de leurs ressources naturelles.
 
Le potentiel industriel de l'Afrique a été miné par l’héritage  colonial, fait notamment d’institutions faibles et d’infrastructures mises en place pour faciliter l'extraction des ressources. Les programmes d'ajustement structurel ont eu des effets particulièrement négatifs sur l’accumulation de la technologie, le développement du capital humain et les résultats à l’exportation. Cependant, les ressources de l'Afrique, représentent environ trois quarts de l'offre mondiale de platine, la moitié de celle des diamants et de chrome; ainsi que le cinquième de l’offre d’or et d’uranium. Le continent détient en outre un peu plus de la moitié des terres arables non cultivées du monde et  peut en devenir le grenier. On y procède à l’extraction de gaz et de pétrole dans plus de trente pays. Face à la hausse continue de la demande mondiale de ses abondantes ressources, l'Afrique se doit de les gérer avec prudence. 



Actuellement, trop  de pays africains sont tributaires de la production et de l'exportation des matières premières, qui alimentent la prospérité et le développement dans d'autres régions plutôt qu’en Afrique, entraînant de ce fait un manque à gagner en termes d’emplois et de débouchés. Le continent court le risque de voir son rôle dans le commerce international se marginaliser s’il  n'ajoute pas de valeur à ses produits. L’industrialisation fondée sur les produits de base offre donc la possibilité de créer de la valeur ajoutée ainsi que d’établir des liens en amont et en aval. Le secteur éthiopien du cuir et le secteur nigérian du pétrole, par exemple,  constituent de bons exemples de liens qui, non seulement se développent, mais donnent également lieu à des activités à haute valeur ajoutée. Ce type d’initiatives doit devenir la norme.
L'avenir économique de l'Afrique sera déterminé par la manière dont le continent concevra et appliquera les politiques nécessaires pour promouvoir l'industrialisation. Il faut sans tarder s’attaquer aux contraintes et aux goulets d'étranglement dans les infrastructures, faciliter le développement du secteur des produits de base et l’établissement de liens en amont et en aval, encourager la création d'emplois semi ou non qualifiés et dispenser des formations professionnelles en rapport avec des techniques artisanales plus pointues, et mettre à disposition des données probantes pour les besoins  de la planification. Ce sont là autant de possibilités offertes à l'Afrique et à ses partenaires pour mieux collaborer sans priver l'Afrique des retombées du boom de ses ressources naturelles. 

Le dividende démographique de l'Afrique  

La population de l'Afrique devrait doubler pour atteindre près de 2,3 milliards de personnes au cours des quarante prochaines années, soit environ la moitié de la croissance totale de la population du globe. L'Afrique est aussi le seul continent comptant une forte population de plus en plus jeune. On estime que dans moins de trois générations, 41 % des jeunes du monde seront africains. En 2050, les jeunes Africains constitueront plus d'un quart de la population active mondiale. À la fin du siècle, le continent affichera le plus faible taux de dépendance au monde.
Par ailleurs, l'Afrique enregistre un taux de croissance urbaine sans précédent. Les projections indiquent qu'entre 2010 et 2025, certaines villes africaines compteront jusqu'à 85 % de la population. Cela se traduira par le passage d’une société rurale à une société essentiellement urbaine, les plus grandes villes du continent, en l’occurrence Lagos et Kinshasa, comptant 15 millions d’habitants d'ici à 2025, tandis que d'autres telles que Dar es-Salaam pourraient abriter 7 millions d'habitants. En Afrique, les villes génèrent environ 55 % du PIB total du continent, contre environ 90 % du PIB dans les pays développés. Si l’on est conscient des défis connexes, tels que la nécessité d'assurer des services essentiels pour faire face à ce phénomène, les possibilités de croissance économique, de réduction de la pauvreté et de développement humain sont énormes. Environ 54 % des jeunes Africains sont actuellement au chômage et plus des trois quarts vivent avec moins de 2 dollars par jour. On peut établir une corrélation et tirer des enseignements de l’expérience des marchés émergents d'Asie, où 40 % de la croissance économique rapide enregistrée entre 1965 et 1990 sont attribuables à un accroissement de la population en âge de travailler. Cela dit, une population jeune d'une telle importance indique également que le véritable défi du XXIe siècle est la capacité de remédier à ce déséquilibre démographique de façon à préserver les intérêts des générations futures. Il est temps que le dividende démographique se concrétise en Afrique. En s’inspirant du Contrat social,   l’ouvrage pionnier de Jean-Jacques Rousseau, il y a lieu d’établir un nouveau contrat social intergénérationnel justifié par la nécessité de tenir compte des besoins des générations actuelles et futures ; notamment d’une Afrique jeune et d’une population vieillissante ailleurs dans le monde. 

Partenariats entre l’Afrique et les nouveaux pays émergents
 
L'influence jadis dominante de l'Occident commence à décroître et devrait se muer en une nouvelle relation avec l'Afrique. L'Inde, la Chine et de  nouveaux acteurs, ont intensifié leur engagement en Afrique d'une manière assez remarquable, transformant de ce fait les relations traditionnelles commerciales et d'investissement du continent. Les plus fortes hausses de l'investissement direct étranger enregistrées par le continent au cours des dernières années proviennent des BRICS et portent essentiellement sur les ressources naturelles de l'Afrique, notamment le pétrole en Angola, en Algérie, au Nigeria et au Soudan et l'exploitation minière au Niger, en Mauritanie, en Zambie et au Libéria. II s’agit cependant d’une  vision très partielle de ce qui se passe. On assiste à une importante diversification des investissements. Par exemple, l'Inde investit dans les services sociaux, les textiles et les moyennes entreprises ainsi que la technologie, et la Chine, de façon massive dans les infrastructures et les services en Afrique. C’est une révolution des façons de travailler accompagnée par les progrès technologiques.
Ce nouveau paradigme d'engagement traduit une forme de coopération dans laquelle les partenaires se considèrent comme des pairs dans des relations mutuellement bénéfiques. L'intérêt qu’un plus grand nombre de partenaires manifeste pour l'Afrique est bénéfique au continent et offre des choix. L’Afrique, à son tour, est bien placée pour faire entendre davantage sa voix sur la scène internationale et tirer parti des différents modèles de développement ainsi que des avantages comparatifs offerts par le réseau de partenaires. Pour en tirer pleinement avantage, l'Afrique doit renforcer ses institutions, prendre la direction des négociations, élaborer et mettre en œuvre des stratégies avec des partenaires pour profiter de leurs avantages comparatifs et conclure de bons marchés. L'Afrique doit changer pour être désormais perçue comme un fixeur  plutôt qu’un preneur de prix. 

L'avenir du partenariat Afrique-Union européenne 
 
L'Europe et l'Afrique ont été importantes l’une pour l’autre, leurs relations étant fondées sur l’histoire et la proximité géographique et tirant leur sens de ce qu’elles unissent deux continents. L'Europe a été plus qu'un partenaire commercial, au développement et en matière d'investissement, tandis que l'Afrique a été une source vitale d’approvisionnement de produits de base pour l'Europe, notamment les métaux et minéraux stratégiques, et un marché captif. Cela dit, sans aucun doute le secteur qui a  enregistré le plus de réussite dans  le cadre de ce partenariat de longue date a été le domaine thématique de la paix et de la sécurité.
Au cours de la dernière décennie, le partenariat UE-Afrique a, dans le cadre de la Stratégie commune Afrique-Union européenne, évolué, passant de ce qui avait été critiqué comme étant une relation « donateur-bénéficiaire » déséquilibrée à une promesse de profond changement dans l’approche de l’Europe vis-à-vis de l'Afrique. La Stratégie commune Afrique-UE, adoptée en 2007, reposait sur les principes d’égalité de participation et de représentation, ainsi que le traitement de l'Afrique comme une seule entité. Toutefois, le développement et la coopération politique entre les deux continents n'ont donné lieu à aucune transformation profonde, le fossé ne cessant de se creuser. Cette situation est attribuable à des facteurs tels que la diminution des budgets de développement consécutive à la crise de la dette souveraine de la zone euro; si bien que  les promesses financières faites dans le cadre de la stratégie commune n'ont pas été tenues. L'émergence de nouvelles économies remet en cause le rôle historique et le style d'aide au développement et de coopération de l'Europe en Afrique. Plusieurs accords de partenariat ont également vu le jour depuis lors, notamment l'Accord de Cotonou, qui a eu pour effet de fragiliser la stratégie.


Le quatrième sommet Afrique-Union européenne arrive donc à point nommé pour les deux continents afin de trouver un consensus sur ce qu'ils veulent et comment transformer leur relation. Dans le nouveau paysage des partenariats multipolaires, l'Afrique a besoin d'une stratégie cohérente de façon à ne voir son développement compromis par la concurrence entre les partenaires potentiels. Ce faisant, la responsabilité mutuelle, les mécanismes d'application, les mécanismes qui garantissent le respect des normes internationales par les multinationales doivent figurer au nombre des éléments indispensables des futurs partenariats. Il est grand temps pour l'Afrique de mettre à profit les mutations géopolitiques en s’appropriant le processus et en jouant un rôle moteur dans sa conduite. 

M. Carlos Lopes est le Secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique.