mardi 17 décembre 2013

Réussir l’Agenda 2063 : que peuvent les journalistes africains?

Par  Marie-Noëlle Guichi 

Reconnaissant leur rôle d’interface entre l’Union Africaine et les populations sensées être bénéficiaires de l’Agenda 2063, les journalistes africains, réunis à Yaoundé du 10 au 13 décembre 2013, ont mis l’accent sur la nécessité d’une franche collaboration entre la Commission de l’Union Africaine et eux.

Devant, de gauche à droite, Marie-Noëlle Guichi et Ramata Soré
Pour leur part, les journalistes s’engagent à permettre que les populations soit bien informées sur l’Agenda 2063, afin qu’elles s’approprient cette nouvelle vision de l’Union Africaine pour le développement. Pour y arriver,  ils se proposent de créer un forum des journalistes de l’Agenda 2063 ; et de faire en sorte que chaque membre du forum devienne le point focal dans son pays pour amener les autres journalistes à s’approprier l’Agenda 2063.

Les participants envisagent une rencontre des membres fondateurs du forum au cours du 1er trimestre 2014, pour mieux peaufiner les stratégies dudit Forum et les décliner en plan d’action. Comme action immédiate, ils ont décidé de l’élaboration d’une plate-forme sous forme de mailing-liste, pour s’échanger toutes les informations utiles sur l’Agenda 2063 et mener en permanence la réflexion sur le rôle que peut jouer le journaliste africain, appelé à s’impliquer davantage dans la dissémination d’informations sur  l’Agenda 2063.

Mais pour y arriver, tous ont convenu de la nécessité de se donner les moyens d’être financièrement autonomes, pour éviter de servir de caisses de résonance à qui que ce soit.  Car « qui finance contrôle », dit l’adage.

L’Appui de l’UA est incontournable


  Moulay Najim, DP de « Points Chauds Mag » en Mauritanie
Pour mener à bien leur mission, les médias africains demandent que l’Union Africaine constitue une base de données sur tous les canaux médiatiques existants sur le continent, pour avoir une photographie du paysage médiatique africain, qui puisse contribuer de manière harmonieuse et efficace à l’édification de l’Agenda 2063. 

Qu’elle mettre à la disposition des journalistes du continent et en temps réels, tous les communiqués de presse et autres documents nécessaires à la vulgarisation des objectifs de  cet agenda. 

Qu’elle travaille à la professionnalisation de la presse africaine qui demande un réel toilettage ; et qu’elle contribue à l’avènement d’une presse forte, non instrumentalisée, pas nécessairement foisonnante, mais véritable chien de garde de la société, au sein d’entreprises de presse crédibles. 

 Abdul-Rahman Harruna ATTAH, Ghana

Qu’elle décomplexe les dirigeants africains plus prompts à accorder la primeur de leurs informations aux médias occidentaux -qui dénaturent parfois les faits-, au détriment des journalistes africains qui comprennent pourtant mieux leur environnement et peuvent efficacement rendre compte des réalités de l’Afrique.  

Qu’elle aide à la mise en place d’organes de régulation des médias non inféodés aux politiques. Au fait, que l’Union Africaine encourage l’émergence d’un organe d’autorégulation, c’est-à-dire une juridiction par les pairs dans chaque pays africain.

Qu’elle incite les Etats africains à supprimer les peines privatrices de liberté, et le cas échéant, à dépénaliser totalement les délits de presse, comme l’ont déjà fait le Niger, le Libéria, la Mauritanie…

Des exemples à suivre…
L’Union Africaine est invitée, par les médias, à redynamiser l’agence panafricaine de presse, la PANA, à défaut de créer, pour elle-même, des entreprises solides, à l’image de la Radio Télévision Sud-africaine. 

Par ailleurs, qu’elle facilite l’accès pour tous aux sources d’informations sur le continent. Il s’agit de pousser les autres Etats à suivre l’exemple des 11 pays africains (Afrique du Sud, Namibie, Ethiopie, Rwanda, Nigéria, Ghana, Angola, Zimbabwe, Ouganda, Tunisie, Niger, …) qui disposent d’un cadre juridique visant à faciliter l’accès pour tous aux sources d’information.

D'autres journalistes africains
En définitive, sans sombrer dans le pessimisme, la presse pense, comme les experts de l’Union Africaine, que si elle n’est pas effectivement impliquée à toutes les phases de l’Agenda, et si les populations et les dirigeants africains ne se l’approprient pas, grâce à une sensibilisation plus accrue, à travers l’information et la communication, l’échec de cette vision est  inévitable.

Agenda 2063: la stratégie de communication de l’UA en débat


Par Marie-Noëlle Guichi
 
Les journalistes conviés à la concertation avec l'Union Africaine du 10 au 13 décembre 2013 à Yaoundé ont été appelés à émettre leurs avis sur la stratégie de communication que l’organisation panafricaine envisage pour une meilleure vulgarisation de l’Agenda 2063.
 
Christiane Yanrou Matondo
Christiane Yanrou Matondo, en service au bureau de la présidente de la Commission de l’Union Africaine, Dlamini-Zuma Nkosazana, s’est attelée à présenter cette stratégie. Il en ressort que la mise en œuvre de l'Agenda 2063, est tributaire d’une bonne communication, qui tient compte de toutes les cibles, d’abord à l’intérieur même de l’Union Africaine, et ensuite à l’extérieur.

Il s’agit, comme objectifs spécifiques, affirme Christiane Matondo, de  Maintenir une plus grande sensibilisation du public, par la présence des médias lors des événements et des activités qui mènent à la conceptualisation de l'Agenda 2063 et sa mise en œuvre.

de s'assurer que les messages clés de communication sont élaborés, de façon cohérente,  et les informations diffusées dans toutes les langues de l'UA (arabe, anglais, français et portugais) ; de promouvoir des débats, des discussions, des émissions sur l’Agenda 2063 dans les médias, tout en motivant la participation des diverses parties prenantes.


Tout le monde est visé !


En interne, tous les États membres de l’Union Africaine sont visés, le personnel de l'UA aussi; tous les organes et organismes de l'UA tels que le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP), les Comités techniques spécialisés (CTS) et les Communautés économiques régionales (CER).

En externe, la stratégie cible tous les citoyens africains, les femmes, les jeunes, les personnes handicapées, la
Des journalistes très attentifs
Diaspora africaine, les institutions, le secteur privé, la société civile, les médias, les universitaires et intellectuels, les agriculteurs, les industriels, les petites entreprises, les partenaires bilatéraux et multilatéraux, les réseaux sociaux (Rotary club ...), les partenaires stratégiques, les partenaires au développement, les pays d'accueil de QG de l'UA et d'autres offices et les CER de l'UA.

Les messages à faire passer dépendent de la cible. Mais en gros, l’on axe sur la contribution inclusive de tous pour le bien-être de chaque africain, par l’entremise d’un développement socio-économique accéléré et du progrès technologique de l’Afrique.

Ratisser large
Tous les grands événements organisés sur le continent et même en dehors, serviront d’occasion pour parler de l’Agenda 2063, a souligné Christiane Matondo qui évoque le cas de la coupe du monde 2014 au Brésil,  la coupe de Basket Ball, les jeux africains, le sommet de l’union Africaine, et bien d’autres rencontres d’envergure sur le continent. 

Au premier plan, Ibrahim Chérif, Rédacteur en Chef, CRTV télé
Internet, radio, télévision, presse écrite, banderole, pins, T-shirt, casquettes, sac, stylo, dépliants, newsletters…l’Union Africaine veut ratisser large, en termes de médium et d’outils de communication, pour atteindre toute personne susceptible d’apporter sa pierre à l’édification de cette Afrique prospère, rêvée dans cinquante ans.

Des prix sont également envisagés pour récompenser, dans tous les secteurs d’activités, les africains qui feront de meilleures réalisations dans le cadre de la promotion de l’Agenda 2063. Les modalités de participation seront dévoilées en temps utile.
Les journalistes ont fait des suggestions pour l’enrichissement de cette stratégie de communication conçue par l’Union Africaine.

Redynamisation de l'Union Africaine : d'abord s’arrêter pour un meilleur diagnostic


Par Marie-Noëlle Guichi

Intervenant dans un panel modéré par la journaliste Burkinabé Multi Award, Ramata Soré, l’économiste Thérèse Azeng, enseignant-chercheur à l’Université de Yaoundé II à Soa, et Grégoire Ndjaka, conseiller No1 à la CRTV et membre l’Union Africaine de radio diffusion, ont entretenu les journalistes, le 10 décembre dernier à Yaoundé, sur l’Afrique d’hier.  suivre leurs regards introspectifs. 

Ramata Soré
Pour Ramata Soré, « pour savoir où on va, il faut rentrer dans son passé pour voir d’où on vient ; afin de mieux appréhender le présent et envisager l’avenir ». 

L’économiste Thérèse Azeng a ainsi fait remarquer que, malgré la pertinence des programmes de développement nés en Afrique et portés par l’Organisation panafricaine, tels que le plan d’action de Lagos, le Traité d’Abuja ou même le NEPAD récemment, les bailleurs de fonds les ont souvent mis de côté, pour imposer leurs propres programmes de développement au continent. Elle cite ici les programmes d’ajustement structurel, l’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE) etc.




Thérèse Azeng
Et Thérèse Azeng de conclure que, les bailleurs imposent leur vision à l’Afrique parce qu’ils sont ses principaux financiers. Ce qui risque d’être pareil avec l’Agenda 2063, si l’Afrique ne se dote pas de moyens autonomes, afin d’être désormais initiatrice et conductrice de ses propres programmes et modèles de développement, en lieu et place de ceux là qui sont conçus ailleurs, sans nécessairement tenir compte des réalités africaines.


Grégoire Ndjaka observera pour sa part que l’information des bénéficiaires des programmes a souvent été négligée.
Grégoire Ndjaka

Pour lui, ce sont les médias qui doivent pourtant booster le changement d’attitude au sein de la population, afin qu’elle s’approprie la nouvelle vision de l’Afrique sur 50 ans. Et là, relève-t-il, les journalistes doivent éviter auto-flagellation,  l’afro-pessimisme ; et croire effectivement en la réussite de l’Agenda 2063. Sinon, ils ne pourront pas amener le public à l’adopter.