lundi 16 juin 2014

Gestion efficace de l’énergie électrique : Powersys s’installe au Cameroun

Par Marie-Noëlle Guichi

Lors d’un colloque à Yaoundé le 28 mai dernier, le top management de cette société Française de conseil et de logiciels, compétente dans les domaines du solaire photovoltaïque et Eolien, a dévoilé ses ambitions pour le Cameroun.

Une vue des participants au colloque de Yaoundé
Un état des lieux du réseau électrique au Cameroun montre d’énormes limites selon les experts de Powersys qui ont accédé à des études montrant un maillage électrique du territoire sous dimensionné ; la saturation des lignes et des postes source ; les pertes en ligne, l’échauffement et la destruction prématurée des ouvrages ; les chutes de tension en ligne hors de la limite acceptable des 5% ; le déficit de protection des lignes et des ouvrages ; l’absence de protection paratonnerre et parafoudre…



En effet, une étude sur l’électrification des hôpitaux du Cameroun -étude menée par Guy Merlin NGOUNOU du Centre Universitaire de recherche sur l’Energie pour la santé, CURES et doctorant à Lausanne en Suisse- révèle de multiples failles telles que l’absence de protection contre les surtensions, le mauvais dimensionnement du réseau, l’existence de groupes électrogènes en surcharge etc.    

Un séjour de 48 heures dans 3 hôpitaux de district a ainsi permis à ce chercheur camerounais d’enregistrer 2 cas de surtension, 147 baisses de tension, 466 creux de tension et 101 coupures d’énergie. La conséquence qui en résulte, c’est la forte réduction de la disponibilité des appareils médicaux électriques. Ce qui met en danger des vies humaines. Ce cas concret n’est qu’une petite illustration des graves limites du réseau électrique au Cameroun, apprend-on.
Des participants discutant durant la pause

Offre variée de prestations
Avec les grands projets industriels en cours dans ce pays et un réseau électrique de plus en plus maillé et complexe, il y’a risque de court circuit à certains endroits du réseau, soulignent les spécialistes du secteur. Pour autant, en amont, il est possible d’anticiper ces perturbations du réseau, pour le rendre plus fiable. Jules FONO, Directeur Technique Afrique de Powersys l’a longuement expliqué aux cadres du ministère de l’énergie et de l’eau, de l’Agence de régulation du secteur de l’électricité, aux industriels, universitaires et bien d’autres participants au colloque du 28 mai dernier à Yaoundé.

Il indique qu’il suffit de bien dimensionner les installations électriques dès le départ, pour éviter les déplorables situations, telles que les surcharges aux conséquences bien lourdes. Toute chose qui passe par des études, telles que celles de stabilité transitoire, qui doivent être réalisées lors de la conception des réseaux électriques de transport, de distribution et industriels. POWERSYS, dit-il, propose une offre variée de prestations comme les études de coordination d'isolement, les études de raccordement de production décentralisée (éolien, solaire), et tout type d'étude sur les réseaux électriques (répartition de puissance, court-circuit, harmonique,…)
 
 Francis TAKA, Directeur commercial Afrique à Powersys explique que, déjà présente en Amérique du Nord, Asie et Union Européenne, Powersys souhaite se développer en Afrique. Le Cameroun se trouve ainsi être le premier pays Africain visé. Et sous peu, Powersys ouvrira des bureaux à Douala, capitale économique. 

Résorber le déficit
De gauche à droite: Merlin Ngounou, Jules Fono, Francis Taka et Vincent Capron
Face au potentiel électrique (Hydraulique, solaire, Eolien, etc…) inégalement reparti entre les pays africains, Vincent CAPRON, Directeur général Powersys propose, à travers études et autres logiciels, de favoriser l’interconnexion entre les pays afin que ceux qui ont une grosse production approvisionnent ceux qui ont un déficit. 

Ceci, par la mise en place des projets d’interconnexion entre pays Africains, et la création des pools énergétiques. Il y’a là, explique-t-il, un besoin de modéliser avec précisons les liaisons en tenant compte des technologies les plus récentes et les plus performantes.
 
La production totale du Cameroun en énergie électrique est d’environ 1500 MW, soit un déficit de 600 MW. La croissance de la demande en énergie électrique ici est d’environ 10% par an. L’agence de l’électrification rurale révèle que seulement 3000 localités sur 14 000 ont accès à l’électricité au Cameroun. Pourtant, ce pays a le 2ème potentiel hydroélectrique d’Afrique après le Congo. 

La solution de Powersys viendrait résorber le déficit et créer des emplois et même donner la possibilité au Cameroun de vendre une partie de sa production énergétique aux voisins.



Vincent CAPRON, Directeur général Powersys

« Une meilleure qualité d’énergie électrique et moins de délestage »

Lors du colloque de Yaoundé, Vincent CAPRON qui foulait le sol africain pour la toute première fois s’est prêté à nos questions sur son projet au Cameroun, ses attentes et ses appréhensions.

Powersys solutions est en cours d’installation au Cameroun. Qu’est-ce qui justifie le choix de ce pays, le tout premier en Afrique, pour implanter votre entreprise?

Powersys propose des prestations de services et des logiciels qui permettent de représenter et gérer les réseaux électriques. Nous sommes en plein développement partout dans le monde où les réseaux électriques se développent et s’améliorent. Nous sommes présents en Europe, en Amérique du Nord et sommes en train de se développer en Inde, en Australie et aussi en Afrique. La Cameroun est pour nous un pays disposant d’une situation géographique stratégique en Afrique. De plus, celui-ci dispose de nombreuses ressources en ayant par exemple un fort potentiel hydro-électrique (le 2ème en Afrique). Nous pouvons donc ici construire un centre d’expertise sur les réseaux électriques qui pourra rayonner et proposer ses services localement, mais aussi dans les autres pays d’Afrique.

Vous venez d’organiser une rencontre à Yaoundé pour parler des avantages qu’il y’a à s’assurer un réseau fiable de transport, de transmission et de distribution de l’énergie électrique. A qui vous adressiez-vous exactement ? Quel intérêt pour les usagers camerounais ?

A l'extrême droite: Vincent CAPRON dans un échange avec des participants
Nous nous adressions à tous les acteurs ayant un rôle dans la gestion de l’énergie électrique au Cameroun. Nous travaillons avec de nombreux acteurs équivalents partout dans le monde et les problèmes qu’ils rencontrent sont les mêmes qu’ici. Nous pouvons partager nos expériences et donc trouver des solutions équivalentes à celles qui ont été mises en place en France, au Canada, et dans beaucoup d’autres pays du monde. Pour les utilisateurs finaux, cela pourrait avoir comme impact une meilleure qualité d’énergie électrique et certainement moins de délestage.

Powersys Solutions a jusqu’ici évolué en Europe où l’environnement et même les mentalités sont propices à son expansion. Quelles sont vos appréhensions au moment où vous vous risquez sur un terrain inconnu comme le Cameroun, et partant, l’Afrique en général ?

Les cultures sont évidemment différentes et il faut respecter ces différences. Nous ne voulons rien imposer en venant ici et souhaitons justement travailler différemment que d’autres qui souvent proposent de vendre au Cameroun des prestations ou logiciels depuis la France ou le Canada. Notre volonté est de venir s’installer ici durablement pour travailler localement en étant proche de nos clients. Malgré les différences de culture, un réseau électrique reste un réseau électrique, et encore une fois les problèmes d’ici sont les mêmes qu’ailleurs, il existe donc des solutions ! De plus, nous connaissons très bien les différences de culture et travaillons déjà dans des pays ayant des habitudes très différentes (Inde, Japon, …). Je suis convaincu que nous réussirons à nous adapter et à travailler main dans la main avec les acteurs locaux pour la réussite de tous !

Que pourrez-vous gagner en retour en investissant sur le Cameroun, tel que vous le faites déjà à travers cette visite exploratoire de votre équipe d’experts et vous-même ? Quelles sont vos projections en termes d’investissements, de rendements et de gains ?

Vincent CAPRON lors de son exposé au Hilton à Yaoundé

Il est très difficile aujourd’hui d’estimer le retour sur investissement possible. Cela dépendra de l’état d’esprit des gestionnaires et de la volonté politique. Nous sommes prêt à prendre ce risque en investissant aujourd’hui sans être sur du retour possible. Ce qui est sûr c’est qu’une activité ne peut perdurer que si son activité est saine financièrement, c’est-à-dire que celle-ci est rentable sur le long terme. Si vous nous voyez toujours présent ici au Cameroun dans plusieurs années, vous aurez donc, je pense, la réponse à votre question. Je suis néanmoins convaincu que nous pouvons faire de grandes choses ici et que nous pouvons faire du Cameroun le pays de référence en Afrique pour la maitrise et la gestion de son réseau électrique. 

Peut-on avoir une idée de vos succès et échecs ailleurs où vous existez déjà ? 

Une des difficultés que nous rencontrons souvent est le recrutement de collaborateurs ayant une bonne connaissance de nos métiers. Nous souhaitons recruter localement et il est très difficile de choisir le/les bons collaborateurs. Cette difficulté existe partout (en France, aux USA, en Inde, …). C’est pour cela que nous allons mettre en place des partenariats avec les universités de référence au Cameroun pour essayer de contourner ce problème en travaillant en amont avec eux sur la formation de nos futures recrues.
Notre plus grande réussite est le développement local de nos bureaux avec notamment un développement commercial mais aussi un développement humain pour nos collaborateurs. Nous sommes très attachés aux valeurs humaines qui sont essentielles pour le bon développement d’une entreprise et d’avoir une bonne activité commerciale accompagnée de collaborateurs épanouis est pour nous un formidable succès.

Réalisée par Marie-Noëlle Guichi

mercredi 28 mai 2014

Les universitaires et l’Union Européenne célèbrent les artisans recycleurs.


Par Jean Pierre BIKOBO

La solution aux déchets divers qui inondent les villes africaines vient des artisans recycleurs. Les Professeurs Georges SAWADOGO et ESOH Elamé le martèlent sans cesse au colloque sur les déchets qui prend fin ce 28 mai à Yaoundé. Leur partenaire de l’Union Africaine est du même avis.

 « Construire  l’économie verte de demain à travers la formalisation des activités de recyclage artisanal des déchets : l’exemple du projet (ISDERA, Ndlr)», tel est le thème de la leçon inaugurale du colloque international ISDERA (Innovative Service Environnement for Recycler Artisan), qui a ouvert ses portes hier à l’Ecole Nationale Supérieure des Travaux Publics (ENSTP). Le  Professeur Georges SAWADOGO, dès sa prise de parole, a présenté le contexte d’émergence du projet ISDERA, qui procède d’un constat, celui de l’existence d’une « économie sociale liée à la récupération des déchets, à  laquelle s’adonnent des centaines de personnes spécialisées dans la récupération et le recyclage artisanal ». 

Pour cet universitaire, l’activité de recyclage des déchets, dont les artisans sont la cheville ouvrière apporte incontestablement une réponse aux problèmes auxquels sont confrontés les villes d’Afrique subsaharienne. Les plus dominants ici, sont la réduction de la pauvreté et davantage, la gestion des déchets divers en milieux urbain. La professionnalisation de ce secteur d’activité se présente alors comme une nécessité à l’effet d’améliorer la qualité de la production, afin d’assoir la reconnaissance de ces acteurs majeurs de l’économie sociale des pays en développement.

Sortir de l’informel

Le Professeur Georges SAWADOGO développe également la notion « des universités populaires »  qui sont supposées véhiculer « les savoirs artisanaux et en faire un objet d’étude par des universitaires ». Le premier jet de l’offre formative est à présent esquissé à l’université de KOUDOUDGOU au Burkina Faso avec la mise sur pied de deux Masters.

Pr. Esoh Elamé dans un entretien avec la presse
Selon le Professeur ESOH Elamé, le projet ISDERA se présente comme le cadre idoine à même d’apporter des réponses efficaces à l’encadrement des artisans des villes d’Afrique subsaharienne. Pour lui, l’assistance qu’apporte les Etats du Cameroun et du Burkina Faso à ces acteurs de l’économie sociale à travers les collectivités territoriales décentralisées augure de bons espoirs pour la sortie de cette économie traditionnelle du secteur dit informel vers le formel.

Mieux encore, la collaboration des universitaires qui en font un objet d’étude est un gage d’amélioration des modes de production et de distribution des produits issus de ces industries qui jusqu’ici, dégage encore une odeur ancestrale. Pour illustrer son propos, l’exemple du technopole de fabrication des marmites dénommées « MAKOKOT » du quartier Makeya de Douala au Cameroun, a été convoqué.

Carl Frosio
Carl Frosio, Chargé des programmes de l’Union Européenne-Cameroun, par ailleurs point focal du projet ISDERA, félicite l’initiative du projet ISDERA qui bénéficie d’une subvention de l’UE chiffrée à 1.396 870 926 de FCFA pour la promotion des artisans locaux Burkinabé et Camerounais. Pour l’Union Européenne, son soutien au projet ISDERA participe de la coopération Nord-Sud, et des exigences de protection de l’environnement.

Rencontre internationale: les déchets urbains au cœur des débats à Yaoundé


Par Junior Matock

Le colloque international ISDERA (Innovative Service Environnement for Recycler Artisan)  ouvert hier, 27 mai 2014 à l’Ecole Nationale Supérieure des Travaux Publics de Yaoundé prend fin ce jour. Les travaux ont pour thème : «  Place et rôle des acteurs du recyclage artisanal des déchets dans la mise en place d’une économie sociale verte en Afrique subsaharienne : l’exemple du projet ISDERA ».

Photo de famille à l'ouverture du colloque
La rencontre mobilise près de deux cents invités parmi lesquels des élus locaux du Cameroun et du Burkina-Faso ; des représentants de l’Union européenne ; des universitaires, des enseignants, de nombreux étudiants et des artisans.  Hier, lors de la cérémonie d’ouverture qui a connu la participation de plusieurs membres du gouvernement Camerounais,  le représentant du délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Yaoundé, Jean Ngougo s’est réjouit d’accueillir cet évènement dont l’opportunité n’est plus à démontrer. « Yaoundé est une ville cosmopolite qui accueille des populations qui migrent. Parmi ceux-ci, figurent les artisans recycleurs qui occupent une place de choix dans notre économie», a-t-il déclaré.  

A sa suite, le ministre des Travaux Publics, Patrice Amba Salla, a précisé que ce type de rencontre doit aider les Africains à « traduire dans les faits les connaissances acquises à l’école, au risque de les répéter comme des perroquets ». Prenant la parole pour le lancement solennel du colloque, le ministre camerounais de l’Habitat et du Développement Urbain, Jean Claude Mbwentchou, relève que le thème à l’ordre du jour est «  évocateur et doit constituer  le point de départ d’une dynamique, longue et fructueuse de coopération entre les collectivités territoriales décentralisées, les institutions de recherche et gouvernementales, les artisans recycleurs et les partenaires au développement, pour un développement harmonieux de nos cités »

Ceci nécessite à son avis, « un effort exceptionnel de dépassement dans la réflexion ». Le but d’une telle rencontre étant, précise t-il, «  d’offrir une meilleure visibilité à l’activité du recyclage artisanal, avec l’implication des élus locaux et des acteurs étatiques au plus haut niveau ». 
  
Les attentes  


Jean Ngougo souhaite que le colloque apporte aux décideurs de nouvelles données qui faciliteront l’élaboration de nouvelles politiques dans le domaine du recyclage des déchets et de l’encadrement des artisans recycleurs dans le but de donner un nouveau visage à nos villes. Pour le ministre Jean-Claude Mbwentchou, en plus de constituer une base de réflexion, le colloque doit se conclure par une appropriation des concepts et des propositions concrètes qui permettront d’avancer durablement avec méthode et efficacité dans l’accomplissement des objectifs communs. 

En terme de résultats attendus, le ministre Jean-Claude Mbwentchou, pense que la rencontre devrait favoriser : la promotion d’une nouvelle profession, celle d’ « Artisan recycleur » ; une visibilité plus accentuée des acteurs du secteur de la récupération artisanale des déchets ; une reconnaissance sociale pour ces acteurs de la salubrité urbaine ;  la régression de la pauvreté et la pérennisation de nos valeurs ancestrales et un accompagnement des pouvoirs publics dans la matérialisation des micro-projets de développement de l’activité de récupération artisanale des déchets.  




Les artisans recycleurs donnent une seconde vie aux déchets

Par Mirabelle Enaka

Transformer des plastiques pour en faire des bracelets, des sacs et autres accessoires est désormais une réalité. De même que recycler les déchets  d’huile  et de soude de la SODECOTON  pour la fabrication du savon.  Les artisanes venues du septentrion du Cameroun le démontrent à souhait  par de simples gestes. 

Les fabricantes du Garlaka à l’œuvre
Leur savoir-faire attire l’attention de nombreux invités au colloque international « Innovative Service in Difficult Environment For Recycler Artisan » ISDERA, qui se déroule depuis hier à l’Ecole Nationale  Supérieure des Travaux Publics. L’art de la décoration à partir d’une corne de bœuf ou de la peau d’animaux  ne laisse  aucun curieux indifférent. Le ballet artisanal  sur le processus de transformation de divers déchets industriels et classiques est frappant.

Par des gestes habiles, les artisans ressortent le meilleur de chaque matière première. Une combinaison de résidu d’huile  de palme  et de soude  passée au feu  pendant un certain temps  permet  ainsi d’obtenir  du savon  Garlaka qui est utilisé  par les ménages. Cette pratique comme  le confirme  Mapre Marie-claire,  est devenue la principale activité  de cette dame ainsi que celle de l’ensemble des femmes du Groupement d’Initiative  Commune auquel elle appartient.

Non loin de Marie-Claire ,Youmbi Mimosette tient avec dextérité le crochet qui lui sert de principal instrument pour fabriquer un accessoire de mode féminin. L’assemblage de couleur et l’esprit de créativité mis ensemble,  donnent  un produit  final d’un éclat certain. « Travailler les déchets  d’emballages plastiques est ma passion. Seulement, le plus difficile est de les collecter à partir des poubelles et autres lieux de dépôt  de déchets. Très souvent je suis traitée de folle  mais aussi,  je fais mes collectes sans aucune mesure de protection », regrette Mimosette.   

Le grattoir  monté en  cinq minutes  par un jeune artisan à partir d’un morceau de bois et d’une boîte de conserve vide constitue également un véritable attrait pour les yeux.  D’où cette affirmation du Ministre de l’Habitat et du développement Urbain, Jean-Claude Mbwentchou, à l’ouverture du colloque. «Les déchets constituent désormais une mine d’or.» Comme lui, de nombreux autres orateurs ont loué l’ingéniosité des artisans qui créent des objets de valeur à partir de rien, contribuant ainsi à la préservation du patrimoine culturel et environnemental,  tout en se forgeant un métier.  

Les observateurs regrettent cependant la non professionnalisation véritable de ces métiers, et d’un encadrement technique des gestes et pratiques  déployés au cours des processus. Car pour eux, transformer les  déchets  à partir de procédés  spontanés et dépourvus  d’une certaine technicité et maîtrise des composantes chimiques  et donc potentiellement nocives, pourraient constituer  non seulement un danger pour  les acteurs principaux, mais aussi une source de pollution et de détérioration de l’environnement. Beaucoup suggèrent donc de prendre en compte cet enjeu afin de  donner à ces métiers innovants, des valeurs qui s’inscrivent dans la durabilité  et la responsabilité vis-à-vis de l’environnement.

 

Des Burkinabè et Camerounais qui vivent d’ordures

Par Michel Tessoh Téné

Mettant en valeur la coopération Sud-sud, ils étalent leurs talents dans le cadre de l’exposition de deux jours à l’Ecole Nationale Supérieure des Travaux Publics de Yaoundé. Leur activité rapporte gros.

Décoration à partir de cornes et de peaux de bœuf
Nourou, Maître artisan, sculpteur sur corne et calebasse, est originaire de Maroua à l’Extrême-Nord du Cameroun. Il expose des produits utilitaires issus de la transformation de cornes de bœuf tels que les fauteuils, tables, guéridons, Chausse-pieds, porte-clés et bien d’autres ; et des produits à base de calebasse comme les tabourets, tables, Abat-jours, Calebasses décorées et bien plus. Ses produits sont à base de cornes de bœuf. 

L’artisan affirme être dans ce secteur depuis au moins huit ans et avoir déjà gagné trois prix, notamment un prix de l’innovation au Burkina Faso en 2006 ; un autre au Festival National des Art et de la Culture, FENAC, à Maroua en 2008 ; et un dernier au Salon International de l’Artisanat du Cameroun, SIAC, en 2010.

Autrefois étudiant, il vit aujourd’hui de son métier et dit ne pas regretter son choix.  Un autre Camerounais du nom de Hyoukouamo Clovis Bertin, étudiant, présente des « râpes de cuisine » fabriqués à partir de la récupération des boites de laits. C’est une activité parallèle qu’il mène uniquement à ses heures creuses, mais qui lui permet d’assurer les charges de sa scolarité.

Le Burkinabè Dao Dramane, est fabricant du matériel agricole. A cette exposition « savoir-faire négro-africain de la récupération des déchets », il présente son pulvérisateur artisanal qui sert à repousser les abeilles lors de la récolte du miel, au moyen d’un caoutchouc préalablement allumé et introduit dans l’appareil dont un mouvement de va et vient de la manche fait sortir de la fumée qui repousse les abeilles.

Même s’il est à sa première participation  à un évènement international, il affirme vivre de son métier qu’il pratique  depuis plusieurs années. Son compatriote Wedraogo Seidou présente des chaussures fabriquées à base des vieilles roues de véhicule. Il témoigne que le groupe qu’il encadre a déjà gagné un prix au SIAC.

Mimoselle Youmbi, de son nom d’artiste MAOPO, Maison d’Art d’Objets Perdus en Or, présente un stand garni de plusieurs objets utilitaires, notamment les bracelets, les nappes, chapeaux, sacs à main, tapis et  objets de décoration. Elle dit être dans ce secteur d’activité depuis 2007 et affirme ne faire que cela depuis qu’elle a découvert cette mine d’or. Basé à Douala, elle est également engagée depuis quelque temps dans un partenariat avec l’Union Européenne, et a déjà remporté plusieurs prix nationaux et internationaux avec ses réalisations. 

Ayancho Ngwa Pius originaire du Nord-Ouest Cameroun, présente des tableaux et vêtements faits essentiellement à partir d’objets issus de son environnement naturel. Sa matière première est constituée des écorces d’arbre, du bois, de la calebasse, des branches et même des coquillages. Il affirme avoir déjà gagné près de 12 prix, souvent accompagnés d’argent, même de faible montant. Il espère tout de même qu’avec la reconnaissance progressive et la vulgarisation des métiers de recyclage artisanal, les choses iront mieux.


Malick : un artisan recycleur pas comme les autres

Par Nadège MBA EMAH

Né à Ouagadougou au Burkina Faso, Malick  ZOUNGRANA est responsable de Malik-ART, une entreprise de fabrication de joints en pneu venus. 

Malick devant ses œuvres
Sur les étagères où sont exposés des chaussures et des sacs d’art, les jeunes filles sont émerveillées de découvrir que la récupération des pneus usés peu  donner lieu à des chaussures tendances que l’on arbore, même à de grandes occasions. C’est l’œuvre de Malick ZOUNGRANA . Il  est l’exemple type du jeune homme né dans la pauvreté qui a pourtant décidé de changer le cours de son histoire par sa créativité.

Ne pouvant continuer ses études du fait de la pauvreté de ses parents, il décide de se lancer très tôt dans la vie active. Il veut aller plus loin que ne lui permettent ses origines sociales. Après avoir exercé  plusieurs petites activités, il finit  par  trouver sa voie, un soir, de retour d’une visite amicale. Sur son chemin, il remarque un groupe d’enfants qui brulent des pneus sur le bitume. C’est alors qu’une idée lumineuse lui traverse l’esprit : ne peut-on pas se servir de ce matériau qui ressemble étrangement au cuir pour en faire des chaussures et des sacs ? se demande-t-il intérieurement.

Il abandonne tout et se lance dans la récupération des pneus pour en faire des objets utiles.  Ne voulant pas marcher sur les pas de ses parents artisans vivant dans la précarité, il veut sortir de l’ordinaire et aller plus loin. Malick rassemble donc quelques uns de ses amis désœuvrés, pour mettre sur pieds une activité rentable qui lui permet de lutter contre la pollution des gaz issus des pneus brulés. Son groupe travaille ainsi en collaboration avec les garages de Ouagadougou, pour récupérer et recycler les pneus usés.

Mais son rêve ne se réalise que lorsque le gouvernement burkinabé décide de lui attribuer une aide qui va lui permettre de mettre sur pieds définitivement un micro projet baptisé Malik-ART , une entreprise citoyenne qui fabrique toutes sortes de joints en pneu, tables meubles, cendriers, chaussures, coffres miroirs, paniers, sacs et coiffeuses .

Aujourd’hui, à 36 ans, marié et père de plusieurs enfants, Malick Zoungrana peut se vanter d’être l’un des rares jeunes de son pays sans diplôme scolaire, mais pouvant se permettre de parcourir le monde pour faire découvrir son art.


Artisanat : la nouvelle manne économique

Par Solange AMOUGA

Au colloque de Yaoundé,  l’atelier avec pour thème « L’économie sociale et solidaire des déchets en Afrique : le cas du recyclage artisanal des déchets au Cameroun et Burkina Faso », a permis aux participants d’analyser les atouts des déchets. 

Une vue des officiels lors du colloque
Parlant de la récupération de déchets, Foé AMBARA, chercheur associé au projet ISDERA, affirme : « Il s’agit d’une activité caractérisée par l’usage des matières premières, avec pour objectif de mettre en évidence l’existence d’une économie sociale et solidaire dans le recyclage artisanal des déchets. Il faut s’en inspirer pour encourager la mise en place au Cameroun et au Burkina Faso, d’une politique nationale de gestion des déchets solides, favorisant la mise en place d’une économie. »

Cependant, ce secteur d’activité fait face à de nombreuses difficultés, ce qui ne lui permet pas de s’étendre et se développer. Foé AMBARA, confirme : « C’est une organisation inadaptée des structures de production et de commercialisation, la faiblesse des moyens investis, le manque d’équipement adéquat (outils et machines),  l’insuffisance de la main d’œuvre, le manque de formation des artisans (notamment aux stratégies de marché),  un soutien des pouvoirs publics encore timide. »

Pour pallier ces obstacles, certaines  mesures doivent être misent en place. «  Les autorités doivent encourager la mise en place au Cameroun et au Burkina Faso, d’une politique nationale de gestion des déchets solides, favorisant l’émergence d’une économie verte. Une meilleure organisation du marché qui permettra de trouver des débouchés pour l’écoulement des produits», suggère le chercheur.

Le Pr. George SAWADOGO, Président de l’université de Koudougou au Burkina Faso, résume les allocutions des autres panélistes en ces termes : « Pour qu’il y ait une économie verte, il faut aussi des acteurs verts. A partir du moment où un artisan arrive à donner vie à quelque chose qui n’avait plus de vie, c’est un créateur. Donc, les gens doivent cesser de les traiter de sales, pauvres ou encore sans diplômes, qui en fait n’ont rien à faire de leur temps. »