Par Pavithra
Rao
En 2011, en moyenne, 45 éléphants ont été quotidiennement éliminés dans au moins deux réserves africaines sur cinq protégeant ces pachydermes, conséquence de la montée du trafic de l’ivoire. Selon un rapport conjoint de quatre organisations internationales, 17 000 éléphants ont été tués au cours de la seule année 2011 et les quantités d’ivoire saisi ont triplé ces dix dernières années.
En 2011, en moyenne, 45 éléphants ont été quotidiennement éliminés dans au moins deux réserves africaines sur cinq protégeant ces pachydermes, conséquence de la montée du trafic de l’ivoire. Selon un rapport conjoint de quatre organisations internationales, 17 000 éléphants ont été tués au cours de la seule année 2011 et les quantités d’ivoire saisi ont triplé ces dix dernières années.
« Les réseaux criminels organisés profitent de la crise
du braconnage des éléphants, ils brassent des volumes sans précédent, opèrent
avec une relative impunité et craignent peu les poursuites », explique Tom
Milliken, expert du commerce de l’ivoire à TRAFFIC, un réseau international de
surveillance du commerce des espèces sauvages.
Selon les auteurs du rapport Elephants in the Dust: The
AfricanElephantCrisis, l’augmentation du braconnage, tout comme la perte de
l’habitat, menace la survie des éléphants d’Afrique centrale ainsi que celle
des éléphants autrefois ailleurs sur le continent. Ce rapport a été rédigé par
le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), la Convention sur
le commerce international des espèces sauvages menacées d’extinction (CITES),
l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et le réseau de
surveillance du commerce des espèces sauvages (TRAFFIC).
Les 17 000 éléphants braconnés en 2011 vivaient dans des
sites surveillés dans le cadre d’un programme de la CITES. Ils abritent près de
40 % des éléphants d’Afrique. Le rapport souligne que les premières données
pour l’année 2012 inquiètent.
Autrefois, les éléphants se déplaçaient librement en
Afrique, en Côte d’Ivoire par exemple, un nom qui ne doit rien au hasard.
Depuis, la population a dramatiquement diminué. Seuls 800 éléphants dispersés
sur le territoire. La volonté de sauver les éléphants est devenue un enjeu de
sécurité, puisque l’ivoire peut jouer un rôle dans les conflits en Afrique.
« Comme les diamants du sang de la Sierra Leone ou les
minerais pillés du Congo, l’ivoire semble être la dernière ressource du conflit
en Afrique, arraché dans des zones de bataille reculées, facilement monnayable
et qui alimente aujourd’hui les conflits aux quatre coins du continent », note
Jeffrey Gettleman du New York Times.
Les défenses d’éléphant sont très prisées en
Extrême-Orient, notamment en Chine, au Viet Nam, aux Philippines et en
Malaisie, où elles sont utilisées comme objets décoratifs et religieux. Pour
beaucoup, la demande ne pourra que progresser en raison de l’essor économique
de ces pays.
En Afrique, de plus en plus de braconniers sont prêts à
approvisionner ces marchés.Ils massacrent les animaux pour leurs défenses, à
l’intérieur des réserves s’il le faut.
Au vu du nombre de massacres annuels, l’organisation de
protection de la vie sauvage Wildlife Conservation Society craint de voir
l’éléphant d’Afrique disparaître d’ici dix ans.
Les auteurs de Elephants in the Dust estiment que les
estimations actuelles présagent un effondrement dans certaines régions
d’Afrique centrale et occidentale. L’Afrique comptait quelques millions
d’éléphants au début du siècle. On estime aujourd’hui leur nombre entre 420 000
et 650 000 individus, vivant pour la plupart au Botswana, en Tanzanie et au
Zimbabwe.
Nombre de braconniers seraient à la solde de rebelles
tels que l’Armée de résistance du Seigneur en Ouganda et les Janjawid au
Soudan, ainsi que de terroristes et militants comme Al-Qaida et le Mouvement
des Chabab, qui exploitent le trafic d’ivoire pour financer des actions
terroristes.
Le Secrétaire général de l’ONU a mis en garde contre la
multiplication des massacres d’éléphants pour leur ivoire en République
centrafricaine, au Cameroun, au Tchad et au Gabon. « Les braconniers utilisent
des armes de plus en plus puissantes et sophistiquées, dont certaines
proviendraient, croit-on savoir, des retombées de la Libye », observe M. Ban
dans un rapport récent au Conseil de sécurité. Au Zimbabwe, les braconniers
empoisonnent les éléphants, entre autres animaux, en répandant du cyanure dans
les vasières. Depuis mai 2013, les photos prises par des chasseurs autorisés
dans le cadre de relevés aériens du Parc national zimbabwéen de Hwange, ont
montré plus de 300 cadavres d’éléphants.
Les saisies massives d’ivoire (excédant 800 kg) à
destination de l’Asie ont plus que doublé depuis 2009, atteignant un niveau
record en 2011. Selon les auteurs de Elephants in the Dust, les grands
acheminements d’ivoire, qui comprennent des défenses de centaines d’éléphants
expédiées d’une seule traite, indiquent « une mainmise croissante des réseaux
criminels extrêmement organisés » sur le trafic d’ivoire.
« Ces réseaux criminels agissent avec une relative
impunité, presque rien ne permet d’affirmer qu’ils sont activement arrêtés,
poursuivis ou condamnés », précise le rapport.
De plus, « La prépondérance des marchés d’ivoire
intérieurs non réglementés dans de nombreuses villes africaines, associée au
nombre croissant de ressortissants asiatiques résidant en Afrique, favorise le
développement du commerce illégal de l’ivoire à l’extérieur du continent. »
L’éléphant n’est pas la seule victime du braconnage. Les
communautés locales en souffrent également. « L’augmentation de l’abattage
d’éléphants en Afrique et la prise illégale d’autres espèces mondialement
menacées mettent en péril non seulement la faune sauvage, mais aussi les moyens
de subsistance de millions de personnes qui dépendent du tourisme, ainsi que la
vie des gardiens et du personnel qui protègent la faune et tentent d’enrayer le
phénomène », avertit Achim Steiner, le Directeur exécutif du PNUE.
En mai 2013 par exemple, des braconniers ont attaqué la
clairière de Dzanga Bai en République centrafricaine, dans le Parc national de
Dzanga-Ndoki, qui accueille une centaine d’éléphants. Près de 20 braconniers
ont violé les frontières de Dzanga Bai et massacré plus de 25 éléphants, dont
quatre éléphanteaux. Ce mois-là, d’autres braconniers se sont introduits dans
le Parc national du Lac Nakuru au Kenya et quatre autres réserves, tuant sept
rhinocéros.
De nombreuses solutions ont déjà été proposées et
adoptées pour mettre fin au braconnage, obtenant des résultats mitigés. Selon
le rapport de M. Ban, « La situation est si grave que dans certains pays, comme
au Cameroun, l’armée a été appelée en renfort des services de répression et de
maintien de l’ordre pour traquer les braconniers.»
Le site Internet conçu par le groupe d’action pour la
faune sauvage Kenyans United AgainstPoaching est un outil innovant. L’objectif
de ce site est de montrer du doigt les braconniers ainsi que les intermédiaires
et les trafiquants. Selon Salisha Chandra, porte-parole du groupe, publier en
ligne l’identité des contrevenants fera réfléchir à deux fois braconniers et
trafiquants.
En mai dernier, le parlement kényan a alourdi les
sanctions infligées aux braconniers et trafiquants d’ivoire : ils encourent
désormais une peine de 15 ans de réclusion assortie de très fortes amendes. Les
autorités affirment que le braconnage a réduit le nombre d’éléphants au Kenya
de 160 000 individus dans les années 1960 à 38 000 actuellement.
En dépit de ces efforts, les braconniers restent actifs.
En Somalie par exemple les groupes armés et terroristes, les pirates et trafiquants
divers sont nombreux. Dans un tel environnement, le trafic de l’ivoire
prospère.
Les militants anti-braconnage exigent que les autorités
recherchent et poursuivent ceux qui exportent des défenses d’éléphant, en
particulier vers l’Extrême-Orient.
Le PNUE réclame une enquête suivie pour toute saisie
massive d’ivoire entre l’Afrique et l’Asie, ainsi que des services
internationaux de renseignements criminels.
Le succès des efforts dépend de la disponibilité des
ressources, de la volonté politique et de la mise en application des lois. Le
rapport Elephants in the Dust est très clair : « S’il est impossible de
mobiliser les ressources nécessaires pour stimuler considérablement les efforts
locaux de conservation et de répression tout au long de la chaîne du trafic
d’ivoire, les populations d’éléphants diminueront, et le braconnage comme le
commerce illégal d’ivoire se poursuivront. »
Source:
Afrique Renouveau
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire