mardi 17 décembre 2013

Agenda 2063: plus loin avec…Mandla Madonsela

Recueillis par
Marie-Noëlle Guichi
« Raviver l’esprit du travail collectif…» 

Mandla Madonsela
Le directeur de la planification stratégique à la Commission de l’Union Africaine, apporte davantage d’informations sur le contexte, les contours et les stratégies de l’Agenda 2063.

L’Agenda 2063, est-ce simplement une vision ou un plan d’action pour l’Afrique ?

L’Agenda 2063 englobe à la fois une vision et un plan d’action. Il s’agit d’un appel à l’action à tous les segments de la société africaine, à travailler ensemble en vue de construire un avenir et un destin communs, basés sur la vision de l’Union Africaine.

Pourquoi adopter un programme sur 50 ans,  une période de planification extrêmement longue ? Est-ce un choix réaliste ?

Le choix de 50 ans doit être pris de façon symbolique, dans le cadre du cinquantième anniversaire de la création de l’OUA en 1963 et compte tenu de la nécessité, pour le continent, de faire le bilan de ses réalisations et de définir sa vision et ses objectifs à long terme. En termes opérationnels, l’Agenda 2063 pourrait par exemple être décliné en plans à court terme (10 ans), à moyen terme (10-25 ans) et à long terme (25-50 ans).

Quelle est la valeur ajoutée de l’Agenda 2063 et comment prend-il en compte les politiques et programmes passés et en cours aux niveaux national, régional et continental ?

L’Agenda 2063 doit être considéré comme une nouvelle étape dans les efforts déployés par les africains pour canaliser le développement du continent et renforcer l’intégration et l’unité africaines. Il vise à s’appuyer sur les réalisations et à tirer les leçons des efforts antérieurs, tels que le Plan d’action de Lagos, le Traité d’Abuja et le NEPAD, pour relever les nouveaux défis sur le continent, à court, moyen et long termes. Le principe est donc de poursuivre les actions tout en tirant les leçons qui s’imposent et en s’appuyant sur les réussites du passé. La question majeure qui se pose est de savoir comment améliorer et renforcer l’action.

Justement, comment rendre durable le fort engagement politique pris le 26 Mai 2013 par les Chefs d’Etat et de gouvernements de l’Union Africaine ?

Grâce à la Déclaration solennelle adoptée lors de la 21ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union Africaine tenue ce jour-là à Addis-Abeba, les dirigeants africains, au plus haut niveau, se sont engagés à soutenir l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan stratégique national et continental à long terme. C’est un point de départ encourageant qui doit être exploité. Car il présente un point d’entrée pour traduire les déclarations et les engagements politiques en mécanismes concrets, et fournir les voies et moyens de suivre et de vérifier les progrès et faciliter la prise de décision en temps opportun sur les mesures correctives. 

Mandla Madonsela
 N’a-t-on pas besoin de mesures additionnels pour atteindre l’objectif visé ?

Elles sont nécessaires et pourraient être, entre autres, la désignation de points focaux nationaux de l’Agenda 2063, l’intégration des étapes et cibles de l’Agenda 2063, dans les cadres nationaux de planification, ainsi que l’information régulière de l’exécutif et des parlementaires sur l’état actuel de l’Agenda 2063.

Que retenir des consultations initiées depuis 4 moins avec les parties prenantes ?

Déjà, il faut retenir que l’Agenda 2063 doit être pleinement participatif et tous les acteurs du continent doivent se l’approprier. Le continent tout entier doit participer à raviver l’esprit du travail collectif pour forger son destin. A cet effet, l’engagement des femmes et des jeunes est essentiel. Des consultations que nous avons eu jusqu’ici avec une grande franche de la société africaine, y compris la diaspora, on retient globalement qu’elle veut un continent prospère, fondé sur l’unité politique, la bonne gouvernance, l’État de droit, l’inclusion de tous, la paix et la sécurité, l’intégration régionale. Voilà, dans l’ensemble, ce qui émerge des échanges.

Vision de l'UA sur 50 ans: regard des médias africains !

Par Marie-Noëlle Guichi


Les médias africains, en conclave à Yaoundé du 10 au 13 décembre 2013, ont avoué l’importance de l'Agenda 2063, cette nouvelle vision portée par la Commission de l’UA. Mais pour eux, avoir une vision ne suffit pas. Il faut agir.

Pour les journalistes conviés à cette concertation, l’Union Africaine doit se doter d’une stratégie planifiée, à plus ou moins long terme, sur 5, 10, 25 et 50 ans. Il s’agit de se doter d’un bon planning, de s’assurer une mise en application efficiente du chronogramme arrêté. 

Une vue des participants à la concertation au Hilton
 Ils souhaitent que toutes les composantes de la société soient impliquées dans toutes les actions de l’Agenda 2063, pas seulement à la phase des consultations qui ont cours en ce moment, mais pendant la réalisation des projets aussi. 


Que les Etats africains combattent la corruption sur le continent et fassent en sorte que les domaines de l’éducation et de l’agriculture soient les secteurs prioritaires qui portent le développement de l’Afrique.

Renouveler la classe dirigeante

Les journalistes soutiennent qu’il est important d’insister sur la créativité, l’innovation et la productivité pour le développement de l’Afrique. Tout cela passe, disent-ils, par le renouvellement de toute la classe dirigeante politique, économique, sociale et culturelle ; afin que la jeune génération impulse la renaissance de l’Afrique.



  Emrakeb Assefa, The African  Editors Forum
L’on devra faire également appel à la diaspora africaine pour soutenir cette dynamique. Pour y arriver, il faudra une jeunesse entreprenante, dont les actions combinées à l’utilisation efficiente des ressources et des technologies de l’information et de la communication permettront un développement durable du continent. 

A ce sujet, il est important de promouvoir une implication plus accrue des femmes; d’encourager les programmes de développement communautaire ; et de faciliter les initiatives privées et individuelles. 

Toutes ces propositions ont été faites par écrit, par les médias africains, à l’Union Africaine. Ces médias entendent veiller à l’application de ces recommandations. Sinon, ils écriront pour dénoncer. En le faisant, ils sont dans leur rôle de chiens de garde de la société.

Réussir l’Agenda 2063 : que peuvent les journalistes africains?

Par  Marie-Noëlle Guichi 

Reconnaissant leur rôle d’interface entre l’Union Africaine et les populations sensées être bénéficiaires de l’Agenda 2063, les journalistes africains, réunis à Yaoundé du 10 au 13 décembre 2013, ont mis l’accent sur la nécessité d’une franche collaboration entre la Commission de l’Union Africaine et eux.

Devant, de gauche à droite, Marie-Noëlle Guichi et Ramata Soré
Pour leur part, les journalistes s’engagent à permettre que les populations soit bien informées sur l’Agenda 2063, afin qu’elles s’approprient cette nouvelle vision de l’Union Africaine pour le développement. Pour y arriver,  ils se proposent de créer un forum des journalistes de l’Agenda 2063 ; et de faire en sorte que chaque membre du forum devienne le point focal dans son pays pour amener les autres journalistes à s’approprier l’Agenda 2063.

Les participants envisagent une rencontre des membres fondateurs du forum au cours du 1er trimestre 2014, pour mieux peaufiner les stratégies dudit Forum et les décliner en plan d’action. Comme action immédiate, ils ont décidé de l’élaboration d’une plate-forme sous forme de mailing-liste, pour s’échanger toutes les informations utiles sur l’Agenda 2063 et mener en permanence la réflexion sur le rôle que peut jouer le journaliste africain, appelé à s’impliquer davantage dans la dissémination d’informations sur  l’Agenda 2063.

Mais pour y arriver, tous ont convenu de la nécessité de se donner les moyens d’être financièrement autonomes, pour éviter de servir de caisses de résonance à qui que ce soit.  Car « qui finance contrôle », dit l’adage.

L’Appui de l’UA est incontournable


  Moulay Najim, DP de « Points Chauds Mag » en Mauritanie
Pour mener à bien leur mission, les médias africains demandent que l’Union Africaine constitue une base de données sur tous les canaux médiatiques existants sur le continent, pour avoir une photographie du paysage médiatique africain, qui puisse contribuer de manière harmonieuse et efficace à l’édification de l’Agenda 2063. 

Qu’elle mettre à la disposition des journalistes du continent et en temps réels, tous les communiqués de presse et autres documents nécessaires à la vulgarisation des objectifs de  cet agenda. 

Qu’elle travaille à la professionnalisation de la presse africaine qui demande un réel toilettage ; et qu’elle contribue à l’avènement d’une presse forte, non instrumentalisée, pas nécessairement foisonnante, mais véritable chien de garde de la société, au sein d’entreprises de presse crédibles. 

 Abdul-Rahman Harruna ATTAH, Ghana

Qu’elle décomplexe les dirigeants africains plus prompts à accorder la primeur de leurs informations aux médias occidentaux -qui dénaturent parfois les faits-, au détriment des journalistes africains qui comprennent pourtant mieux leur environnement et peuvent efficacement rendre compte des réalités de l’Afrique.  

Qu’elle aide à la mise en place d’organes de régulation des médias non inféodés aux politiques. Au fait, que l’Union Africaine encourage l’émergence d’un organe d’autorégulation, c’est-à-dire une juridiction par les pairs dans chaque pays africain.

Qu’elle incite les Etats africains à supprimer les peines privatrices de liberté, et le cas échéant, à dépénaliser totalement les délits de presse, comme l’ont déjà fait le Niger, le Libéria, la Mauritanie…

Des exemples à suivre…
L’Union Africaine est invitée, par les médias, à redynamiser l’agence panafricaine de presse, la PANA, à défaut de créer, pour elle-même, des entreprises solides, à l’image de la Radio Télévision Sud-africaine. 

Par ailleurs, qu’elle facilite l’accès pour tous aux sources d’informations sur le continent. Il s’agit de pousser les autres Etats à suivre l’exemple des 11 pays africains (Afrique du Sud, Namibie, Ethiopie, Rwanda, Nigéria, Ghana, Angola, Zimbabwe, Ouganda, Tunisie, Niger, …) qui disposent d’un cadre juridique visant à faciliter l’accès pour tous aux sources d’information.

D'autres journalistes africains
En définitive, sans sombrer dans le pessimisme, la presse pense, comme les experts de l’Union Africaine, que si elle n’est pas effectivement impliquée à toutes les phases de l’Agenda, et si les populations et les dirigeants africains ne se l’approprient pas, grâce à une sensibilisation plus accrue, à travers l’information et la communication, l’échec de cette vision est  inévitable.