Par Marie-Noëlle Guichi
Certains entrepreneurs africains se montrent de plus en plus pointilleux sur la limitation du gaspillage, l’offre de services innovants alliant qualité-prix, la lutte contre le chômage…
On se
souvient encore de la toute dernière édition des AfricaCom Awards, le prix
orange de l’entrepreneur social en Afrique. Rendus publics le 13 novembre 2013,
les résultats de ce concours ont révélé l’engouement qui règne sur le continent
: plus de 455 candidatures issus de 15 pays africains. Parmi les 12 finalistes,
3 lauréats ont été retenus. Le 1er prix est revenu à l’entreprise camerounaise
QuickDo-BookBox qui propose une offre d'automates et liseuses numériques
installées dans les universités, centres culturels, bibliothèques, librairies
etc. Ceci, dans le but de facilité la lecture aux populations du Sud, au prix
maximum de 1 euro par livre. A la date du concours, elle totalisait, en deux
ans d’existence, 500 000 contenus numériques placés.
Certains entrepreneurs africains se montrent de plus en plus pointilleux sur la limitation du gaspillage, l’offre de services innovants alliant qualité-prix, la lutte contre le chômage…
Les
grosses marges bénéficiaires ne sont pas la priorité pour ces nouveaux
entrepreneurs qui se lancent dans un système économique à but non lucratif, qui
a pour seul objectif de résoudre les problèmes des populations et d'améliorer
leurs conditions de vie. Ces généreux Africains font de l’entrepreneuriat
social…pour le plus grand bonheur des moins nantis. Voici quelques tableaux :
En
Ethiopie, l’entreprise sole Rebels fabrique d’élégantes chaussures artisanales,
avec de belles semelles en caoutchouc, faites de pneus de voiture recyclés. Sa
trouvaille, très respectueuse de l'environnement, avec un engagement pour une
empreinte zéro carbone, s’écoule localement et sur des marchés internationaux.
La pérennité de l’activité est garantie par le riche patrimoine artisanal d’Ethiopie.
Des centaines de défavorisés de ce pays y ont trouvé un emploi permanent.
Il leur permet de nourrir leurs
familles, parfois très nombreuses.
Au
Malawi, le Sud-Africain Paul Scott Matthew, Directeur Afrique de North Star
Alliance, a imaginé une merveilleuse solution pour atténuer les impacts
alarmants de VIH / SIDA sur les travailleurs ambulants. S’étant rendu compte
que les chauffeurs de camion, très exposés à la pandémie n'avaient pas accès
aux soins de santé de base pendant le travail, il a créé pour eux un réseau de
22 cliniques reliées entre elles, appelées « Roadside Wellness Centres ». Déjà
présentes dans les 10 régions du Malawi, elles offrent aux travailleurs mobiles
et aux communautés touchées, un accès continu de haute qualité à la santé et
aux services de sécurité.
Au
Burkina Faso, Seri Youlou, agriculteur burkinabé, et Thomas Granier, maçon
français, ont construit, il y’a dix ans, une maison à voûte nubienne. Puis, ils
ont formé des agriculteurs à la construction de maisons voûtées avec des toits
en terre. L’activité constitue aujourd’hui une source de revenus pour de
nombreux agriculteurs pendant les saisons maigres. Manière très originale aussi
de fournir aux populations du Sahel des solutions de logement écologiquement
durable, seule alternative à l’utilisation de bois rare et de tôles chaudes et
chères. A ce jour, plus de 200 maçons ont construit environ 1300 maisons à
voûte nubienne en Afrique de l'Ouest grâce à cette technique apprise au sein de
l’association l'association « La Voûte Nubienne » co-fondée par Séri et Thomas,
devenus ainsi socio-entrepreneurs.
Révolution entrepreneuriale
Aucun
pays Africain ne semble plus en marge de la révolution entrepreneuriale. Dans
des secteurs très variés allant de l’accès aux soins de santé, à l’éducation,
en passant par l’énergie, l’agriculture, le social network, le e-commerce, le
m-payment ou encore le e-gouvernement… de nombreux entrepreneurs africains se
démarquent par leurs offres innovantes et moins chères.
De G à D: Jacques Bonjawo et Emmanuel Mbuende de QuickDO-Book-Box |
Ivoire
Job, lui, a remporté le 2è prix de ce concours, avec un projet qui vise à
faciliter l’accès aux opportunités d’emploi en Côte d’Ivoire à travers une
plateforme web, mobile et un système SMS. Ces supports sont autant d’espaces
d’échange et de partage d’expérience entre demandeurs d’emploi, salariés en
poste et cabinets de recrutement.
Chifco,
le 3è prix, est une entreprise tunisienne qui propose un service de contrôle et
d’optimisation de la consommation d’énergie. Cette solution vise à contrôler à
distance les équipements les plus énergivores dans des environnements
domestiques ou professionnels. Grâce à
Chifco qui démarre sa commercialisation en Juillet 2014, entreprises et
particuliers vont pouvoir réduire leur facture d'électricité.
Le jury a
certainement eu de la peine à mettre les autres nominés de côtés, tant leurs
offres sont tout aussi innovantes et porteuses de développement.
Plus loin
avec…
Thierry Téné, Directeur de l'Institut Afrique RSE
« Il faut (…) créer des masters
et des chaires sur le social business… »
Thierry Téné |
Expert africain de la croissance verte et de la Responsabilité Sociétale
des Entreprises (RSE), Thierry Téné a publié plus de 100
chroniques sur les opportunités du social-green business en Afrique. Depuis 2011, l'Institut Afrique RSE organise chaque année, en partenariat
avec une organisation patronale africaine, le forum international des pionniers
de la RSE et la croissance verte en Afrique. Il nous parle ici de
l’entrepreneuriat social en Afrique.
A
votre avis, l’Afrique regorge-t-elle suffisamment d’entreprises qui répondent à
des besoins sociaux et environnementaux ?
Il est
important de préciser qu’il y a une différence entre le social business et le
Business du Bas de la Pyramide (Bottom of the Pyramid : BoP). Le premier
est un investissement à finalité social et dont il y a très peu de
redistribution de bénéfices car ils sont prioritairement réinjectés dans le
projet pour réduire le prix de vente aux consommateurs ou à l’utilisateur final.
Le BoP est une stratégie de business orientée vers les personnes qui gagnent en
moyenne moins de 3 000 dollars par an.
En
Afrique, nous avons très peu de projet de social business. Par ailleurs, on
observe quelques projets de BoP portés notamment par les grands groupes.
Pour ce
qui est de l’environnement, nous avons plusieurs éco-entreprises positionnées
sur le créneau du green business.
Disposez-vous
de statistiques fiables dans ce domaine sur le continent Africain? Quelle est
la situation ailleurs dans le monde ?
On ne
dispose pas assez de statistique sur le social business en Afrique. Au niveau
mondial, nous n’avons pas de statistiques fiables.
Quels
sont les freins à l’entrepreneuriat social en Afrique ?
La
notion d’entrepreneuriat social n’est pas encore bien appréhendée par les
africains. C’est le principal handicap à son implémentation sur le continent.
Le deuxième frein est l’absence de politiques publiques pour inciter les
entreprises et les porteurs de projet à intégrer le social business. Les
autorités auraient tout intérêt à soutenir ce type de projet au vue de l’impact
socio-économique. Le troisième frein est l’absence de ressources humaines et de
compétences pour concevoir et mettre en œuvre des projets
de social business.
Quels
types de solutions préconisez-vous pour une véritable émergence d’entrepreneurs
sociaux en Afrique ?
Il faut
sensibiliser et former les entrepreneurs africains sur le social business. Pour
combler le manque de statistique et de connaissance sur cette thématique, la
publication d’études et analyses semble indispensable. L’un des points
essentiels est la formation. Très peu d’universités ou d’écoles de management
et de commerce proposent des cursus sur le social business. Il faut donc créer
des masters et des chaires sur le social business avec le soutien des
entreprises.
Réalisée
par Marie-Noëlle Guichi
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