mardi 4 février 2014

L’Union Africaine contre la cession des terres aux étrangers

Par Marie-Noëlle Guichi

En marge du sommet de l’Union Africaine qui s’est tenu à Addis Abéba en Éthiopie la semaine dernière, Dr Nkosazana Dlamini Zuma, Présidente de la Commission de l'Union africaine (UA), s’est adressée aux médias sur le thème dudit Sommet: «Agriculture et sécurité alimentaire » et sur l’Agenda 2063 de l’Afrique.

En présence de Mme Tumusiime Rhoda Peace, la Commissaire de l’UA en charge de l'Économie rurale et de l'Agriculture, Dr Nkosazana a martelé : « les Africains ne devraient pas être contraints de vendre leurs terres à d'autres personnes ; la terre doit appartenir au peuple, l'Afrique aux Africains ». Pour elle, les Africains doivent veiller à faire de l'agriculture une composante majeure de l'Agenda 2063, la nouvelle vision pour le développement de l’Afrique dans les 50 prochaines années.  

Les journalistes apprendront ainsi que l'absence de politiques foncières fortes a amené certains pays africains à vendre ou à accorder leurs belles terres arables à des investisseurs étrangers. La Présidente de la Commission de l'Union africaine souligne que l’Afrique devrait donner au peuple le pouvoir de décider en ce qui concerne les questions foncières.

De gauche à droite: Mme Tumusiime, Dr Nkosazana et Habiba Mejri-Cheikh, Dircom UA
En outre, explique-t-elle, ceux qui travaillent la terre doivent avoir accès à la technologie et aux capitaux, de manière à leur permettre de produire et de transformer les aliments, d'être plus compétitifs sur les marchés internationaux, et de créer des emplois. Par conséquent, les revenus générés resteront dans les pays, et l'activité créera de la valeur ajoutée pour les personnes qui travaillent ​​ces terres;, affirme-t-elle. 

Dans le cadre de l’Agenda 2063, sa vision consistant à « bâtir une Afrique centrée sur les personnes et dirigée par ses citoyens », l'Union africaine a engagé des consultations très fournies avec les Africains, y compris la jeunesse, la société civile, la diaspora, les médias, ainsi qu’avec les membres du Conseil exécutif en recourant à divers outils, notamment son site Web (www.au.int).

Les consultations se poursuivront jusqu'à la tenue du Sommet des chefs d'État en juin 2014 ; sommet au cours duquel l'Agenda 2063 sera adopté. Mais avant, les chefs d’États et de gouvernement de l’Union Africaine y auront apporté leurs contributions lors de leur Conférence qui précède ledit Sommet.

Et une fois adopté, l’Agenda 2063 sera intégré dans les plans nationaux et permettra à l'Afrique de disposer de ses propres objectifs de développement.

La Présidente de la Commission de l'Union africaine a également abordé des questions telles que le Programme Détaillé pour le Développement de l’Agriculture en Afrique, PDDAA et la recherche d'autres sources de financement.

Elle a ainsi encouragé l’ensemble des États membres à mettre en œuvre le PDDAA et à tirer des enseignements des processus de mise en œuvre réussis de certains pays. Enfin, elle a indiqué que l'Union africaine a pris des mesures pour créer une fondation afin de lever des fonds auprès des particuliers et du secteur privé, entre autres. 

Source : Direction de l’information et de la communication (Dircom) UA

samedi 11 janvier 2014

Commerce de l’ivoire : un trafic en expansion

Par  Pavithra Rao

En 2011, en moyenne, 45 éléphants ont été quotidiennement éliminés dans au moins deux réserves africaines sur cinq protégeant ces pachydermes, conséquence de la montée du trafic de l’ivoire. Selon un rapport conjoint de quatre organisations internationales, 17 000 éléphants ont été tués au cours de la seule année 2011 et les quantités d’ivoire saisi ont triplé ces dix dernières années.

« Les réseaux criminels organisés profitent de la crise du braconnage des éléphants, ils brassent des volumes sans précédent, opèrent avec une relative impunité et craignent peu les poursuites », explique Tom Milliken, expert du commerce de l’ivoire à TRAFFIC, un réseau international de surveillance du commerce des espèces sauvages.

Selon les auteurs du rapport Elephants in the Dust: The AfricanElephantCrisis, l’augmentation du braconnage, tout comme la perte de l’habitat, menace la survie des éléphants d’Afrique centrale ainsi que celle des éléphants autrefois ailleurs sur le continent. Ce rapport a été rédigé par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), la Convention sur le commerce international des espèces sauvages menacées d’extinction (CITES), l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et le réseau de surveillance du commerce des espèces sauvages (TRAFFIC). 

Les 17 000 éléphants braconnés en 2011 vivaient dans des sites surveillés dans le cadre d’un programme de la CITES. Ils abritent près de 40 % des éléphants d’Afrique. Le rapport souligne que les premières données pour l’année 2012 inquiètent. 

Autrefois, les éléphants se déplaçaient librement en Afrique, en Côte d’Ivoire par exemple, un nom qui ne doit rien au hasard. Depuis, la population a dramatiquement diminué. Seuls 800 éléphants dispersés sur le territoire. La volonté de sauver les éléphants est devenue un enjeu de sécurité, puisque l’ivoire peut jouer un rôle dans les conflits en Afrique. 

« Comme les diamants du sang de la Sierra Leone ou les minerais pillés du Congo, l’ivoire semble être la dernière ressource du conflit en Afrique, arraché dans des zones de bataille reculées, facilement monnayable et qui alimente aujourd’hui les conflits aux quatre coins du continent », note Jeffrey Gettleman du New York Times.

Les défenses d’éléphant sont très prisées en Extrême-Orient, notamment en Chine, au Viet Nam, aux Philippines et en Malaisie, où elles sont utilisées comme objets décoratifs et religieux. Pour beaucoup, la demande ne pourra que progresser en raison de l’essor économique de ces pays.


Risque d’extinction
En Afrique, de plus en plus de braconniers sont prêts à approvisionner ces marchés.Ils massacrent les animaux pour leurs défenses, à l’intérieur des réserves s’il le faut.

Au vu du nombre de massacres annuels, l’organisation de protection de la vie sauvage Wildlife Conservation Society craint de voir l’éléphant d’Afrique disparaître d’ici dix ans.

Les auteurs de Elephants in the Dust estiment que les estimations actuelles présagent un effondrement dans certaines régions d’Afrique centrale et occidentale. L’Afrique comptait quelques millions d’éléphants au début du siècle. On estime aujourd’hui leur nombre entre 420 000 et 650 000 individus, vivant pour la plupart au Botswana, en Tanzanie et au Zimbabwe.

Nombre de braconniers seraient à la solde de rebelles tels que l’Armée de résistance du Seigneur en Ouganda et les Janjawid au Soudan, ainsi que de terroristes et militants comme Al-Qaida et le Mouvement des Chabab, qui exploitent le trafic d’ivoire pour financer des actions terroristes.

Le Secrétaire général de l’ONU a mis en garde contre la multiplication des massacres d’éléphants pour leur ivoire en République centrafricaine, au Cameroun, au Tchad et au Gabon. « Les braconniers utilisent des armes de plus en plus puissantes et sophistiquées, dont certaines proviendraient, croit-on savoir, des retombées de la Libye », observe M. Ban dans un rapport récent au Conseil de sécurité. Au Zimbabwe, les braconniers empoisonnent les éléphants, entre autres animaux, en répandant du cyanure dans les vasières. Depuis mai 2013, les photos prises par des chasseurs autorisés dans le cadre de relevés aériens du Parc national zimbabwéen de Hwange, ont montré plus de 300 cadavres d’éléphants.

Les saisies massives d’ivoire (excédant 800 kg) à destination de l’Asie ont plus que doublé depuis 2009, atteignant un niveau record en 2011. Selon les auteurs de Elephants in the Dust, les grands acheminements d’ivoire, qui comprennent des défenses de centaines d’éléphants expédiées d’une seule traite, indiquent « une mainmise croissante des réseaux criminels extrêmement organisés » sur le trafic d’ivoire.

« Ces réseaux criminels agissent avec une relative impunité, presque rien ne permet d’affirmer qu’ils sont activement arrêtés, poursuivis ou condamnés », précise le rapport.

De plus, « La prépondérance des marchés d’ivoire intérieurs non réglementés dans de nombreuses villes africaines, associée au nombre croissant de ressortissants asiatiques résidant en Afrique, favorise le développement du commerce illégal de l’ivoire à l’extérieur du continent. »

L’éléphant n’est pas la seule victime du braconnage. Les communautés locales en souffrent également. « L’augmentation de l’abattage d’éléphants en Afrique et la prise illégale d’autres espèces mondialement menacées mettent en péril non seulement la faune sauvage, mais aussi les moyens de subsistance de millions de personnes qui dépendent du tourisme, ainsi que la vie des gardiens et du personnel qui protègent la faune et tentent d’enrayer le phénomène », avertit Achim Steiner, le Directeur exécutif du PNUE.

En mai 2013 par exemple, des braconniers ont attaqué la clairière de Dzanga Bai en République centrafricaine, dans le Parc national de Dzanga-Ndoki, qui accueille une centaine d’éléphants. Près de 20 braconniers ont violé les frontières de Dzanga Bai et massacré plus de 25 éléphants, dont quatre éléphanteaux. Ce mois-là, d’autres braconniers se sont introduits dans le Parc national du Lac Nakuru au Kenya et quatre autres réserves, tuant sept rhinocéros. 

Action collective
De nombreuses solutions ont déjà été proposées et adoptées pour mettre fin au braconnage, obtenant des résultats mitigés. Selon le rapport de M. Ban, « La situation est si grave que dans certains pays, comme au Cameroun, l’armée a été appelée en renfort des services de répression et de maintien de l’ordre pour traquer les braconniers.»

Le site Internet conçu par le groupe d’action pour la faune sauvage Kenyans United AgainstPoaching est un outil innovant. L’objectif de ce site est de montrer du doigt les braconniers ainsi que les intermédiaires et les trafiquants. Selon Salisha Chandra, porte-parole du groupe, publier en ligne l’identité des contrevenants fera réfléchir à deux fois braconniers et trafiquants.

En mai dernier, le parlement kényan a alourdi les sanctions infligées aux braconniers et trafiquants d’ivoire : ils encourent désormais une peine de 15 ans de réclusion assortie de très fortes amendes. Les autorités affirment que le braconnage a réduit le nombre d’éléphants au Kenya de 160 000 individus dans les années 1960 à 38 000 actuellement.

En dépit de ces efforts, les braconniers restent actifs. En Somalie par exemple les groupes armés et terroristes, les pirates et trafiquants divers sont nombreux. Dans un tel environnement, le trafic de l’ivoire prospère.

Les militants anti-braconnage exigent que les autorités recherchent et poursuivent ceux qui exportent des défenses d’éléphant, en particulier vers l’Extrême-Orient.

Le PNUE réclame une enquête suivie pour toute saisie massive d’ivoire entre l’Afrique et l’Asie, ainsi que des services internationaux de renseignements criminels.

Le succès des efforts dépend de la disponibilité des ressources, de la volonté politique et de la mise en application des lois. Le rapport  Elephants in the Dust est très clair : « S’il est impossible de mobiliser les ressources nécessaires pour stimuler considérablement les efforts locaux de conservation et de répression tout au long de la chaîne du trafic d’ivoire, les populations d’éléphants diminueront, et le braconnage comme le commerce illégal d’ivoire se poursuivront. » 
                                              

mardi 7 janvier 2014

Le Gabon prend en main le développement de l’Afrique

Par Marie-Noëlle Guichi

Ali Bongo Ondimba, Président du Gabon
Libreville, la capitale Gabonaise, se prépare à accueillir la toute première édition du Colloque international baptisé : « Regards croisés sur le développement en Afrique ». Ce rendez-vous très attendu par les acteurs économiques africains aura lieu du 27 au 29 mars 2014.

Initié par les enseignants-chercheurs de l’Institut Supérieur de Technologie (IST), réunis au sein du Laboratoire de Recherches en Sciences de l’informatique et de Gestion (LARSIG) de Libreville, en partenariat avec l’École Supérieure de Gestion d’Informatique et des Sciences (ESGIS), ladite rencontre est placée sous le thème global: « Enjeux et perspectives de la microfinance et des partenariats pour les territoires du Sud ».

L’objectif que se fixent les organisateurs du Colloque International de Libreville, CIL2014, est d’amener la communauté scientifique en gestion et informatique, à s’exprimer sur la microfinance comme outil de développement des territoires en Afrique. L’occasion permettra de débattre de plusieurs sous-thèmes ayant un lien étroit avec la microfinance.

Quelques succès mitigés

L’équipe conjointe des chercheurs de LARSIG et de l’ESGIS s’est rendue compte qu’alors que plusieurs zones du globe connaissent une implantation progressive des conditions de l’émergence économique, l’Afrique présente quelques succès mitigés, et de nombreux résultats insuffisants. 

Pour eux, cette situation, beaucoup plus marquée dans la partie subsaharienne, donne aux mots de René Dumont, « l’Afrique (…) est mal partie », une allure de mauvais sort.

En effet, selon le rapport 2011 du PNUD,  34 des 42 nations identifiées comme ayant « la plus faible valeur de l’Indice de Développement Humain (IDH)» sont situées en Afrique.

Aujourd’hui, l’Afrique est le continent le plus pauvre au monde, d’après Abdulkadir M.S, dans un ouvrage publié en 2010. D’où la série d’interrogations des promoteurs du CIL2014. 

Les secteurs frappés par l’inertie

Ces chercheurs veulent notamment savoir : pourquoi le continent africain se développe difficilement ;  quel mal principal mine l’Afrique ; si le sous-développement de l’Afrique est un mauvais sort ou une fatalité ; et comment les problèmes de développement peuvent être résolus sur le continent.

La première édition du Colloque « Regards croisés sur le développement en Afrique » souhaite répondre à ces questionnements, en lançant de vastes investigations objectives sur la question du développement en Afrique.

Déjà, l’étendue de sa complexité incite les chercheurs réunis au sein du LARSIG à proposer à la Communauté scientifique internationale, l’adoption d’une approche transversale de cette question, tant les secteurs frappés par l’inertie et l’inorganisation sont nombreux. Nous y reviendrons en temps opportun.

dimanche 29 décembre 2013

Finance : ces capitaux qui fuient l’Afrique

Par: MasimbaTafirenyika

La fuite des capitaux ponctionnent les ressources du continent, le privant d’investissements vitaux.

Les chiffres sont stupéfiants : entre 1980 et 2009, l’Afrique a perdu entre 1 200 et 1 400 milliards de dollars, soit à peu près l’équivalent de son produit intérieur brut actuel. Ces chiffres ne sont pourtant qu’une des facettes d’un système extrêmement complexe et dont la longue histoire, rarement évoquée sur la place publique contraste avec ses conséquences désastreuses. « L’hémorragie illicite des ressources de l’Afrique représente près de quatre fois sa dette extérieure », constate un rapport conjoint de la Banque africaine de développement (BAD) et de Global Financial Integrity, une ONG américaine. 

Les flux financiers illicites sont définis comme l’argent gagné illégalement et transféré ailleurs. Il provient généralement d’activités criminelles, de la corruption, de la fraude fiscale, de pots-de-vin et de la contrebande.
Pour le quotidien britannique The Guardian, les estimations de la BAD et de l’ONG américaine, aussi élevées soient-elles, sous-estiment sans doute l’importance du problème, puisqu’elles ne reflètent pas la perte de fonds occasionnée par le trafic de drogue et la contrebande. 


Inverser le raisonnement 
« L’idée dominante a toujours été que l’Occident injecte de l’argent en Afrique, par le biais de l’aide étrangère et aux autres flux de capitaux du secteur privé, sans recevoir grand-chose en retour », estime Raymond Baker, le président de Global Financial Integrity. Pour M. Baker le rapport contredit ce raisonnement. 

L’Afrique est le créancier net du reste du monde depuis des décennies, analyse-t-il. Pour le professeur Mthuli Ncube, économiste en chef et vice-président de la BAD, qui est du même avis, « le continent africain est riche en ressources naturelles. Avec une bonne gestion des ressources, il serait en mesure de financer en grande partie son propre développement.
La composition de ces flux contredit également d’autres idées reçues. Selon les estimations de Global Financial Integrity, la corruption sous forme de pots-de-vin ou de malversation ne représente que 3 % environ des flux illicites, les activités criminelles telles que le trafic de drogue et la contrebande, 30 % à 35 % et les transactions commerciales des multinationales, pas moins de 60 % à 65 %. 

L’argent volé par les administrations publiques corrompues est insignifiant comparé aux autres formes de flux illicites, explique M. Baker. L’argent illicite franchit généralement les frontières dans le cadre du commerce international. 
Raymond Baker

Des informations incomplètes
Un Groupe de haut niveau de dix membres, présidé par l’ancien Chef d’État sud-africain Thabo Mbeki assisté par Carlos Lopes, Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) étudie la question.  Parmi les membres du Groupe figurent le Professeur Baker et l’Ambassadeur nigérian SegunApata. Selon la CEA, les flux illicites réduisent les recettes fiscales de l’Afrique, fragilisent le commerce et l’investissement, en plus d’aggraver la pauvreté. Le rapport du Groupe sera publié en mars 2014. 
La mission du Groupe s’annonce difficile. Charles Goredema, chercheur à l’Institut d’études de sécurité basé en Afrique du Sud (ISS), note que dans bon nombre de pays africains, les informations sur les flux financiers illicites « sont sommaires, dissimulées dans une foule d’informations contradictoires et éparpillées à divers endroits ». Il place les centres des impôts et les ministères des mines en tête de liste des organes les plus réticents à communiquer les informations. 
M. Goredema estime que l’évaluation des flux financiers illicites est le lieu de nombreuses conjectures et les chiffres varient de 50 à 80 milliards de dollars par an. Les estimations de la CEA avancent quant à elles un chiffre supérieur à 900 milliards de dollars pour la période 1970-2008.
« L’absence de consensus s’explique probablement par le fait que la zone concernée est assez vaste, et par le fait que chaque organisation ne peut avoir accès qu’à une partie de celles-ci à un moment donné », écrit M. Goredema.

Manipulation des prix 
Les groupes de recherche et de pression ayant étudié la question des flux financiers illicites voient néanmoins un lien direct entre ces flux et les efforts de l’Afrique visant à mobiliser ses propres ressources. Malgré une croissance annuelle de 5 % ces dix dernières années le continent peine à mobiliser ses ressources intérieures. Cet élan économique a au contraire provoqué une explosion des flux financiers illicites, déclare l’Ambassadeur nigérian SegunApata.
Il existe de nombreux moyens de détourner des fonds, notamment la surfacturation ou la sous-facturation de marchés, les prix de transfert et le recours aux centres bancaires et financiers extraterritoriaux et aux paradis fiscaux. Lorsqu’une multinationale décide du montant des bénéfices à attribuer aux différentes branches d’une même société établie dans plusieurs pays, il y a un prix de transfert, puis on détermine le montant des impôts à verser à chaque administration publique. Les multinationales sont impliquées dans près de 60 % du commerce mondial.
« Bon nombre de pays en développement sont dotés d’un régime de prix de transfert faible ou incomplet », déclare The Guardian en s’appuyant sur un document de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), un groupe de pays à économie développée. D’après ce document, les pays pauvres ne pèsent pas lourd dans les négociations. 

« Certains [pays] éprouvent des difficultés à appliquer ce régime en raison du caractère lacunaire de la législation, de l’absence ou de la faiblesse des règlements et lignes directrices à l’usage des entreprises », indique le document de l’OCDE, ajoutant que les pays pauvres disposent d’une expertise technique limitée pour évaluer les risques des prix de transfert, ainsi que pour négocier des ajustements avec les multinationales.

Des refuges fiscaux extraterritoriaux 
D’après le document de l’OCDE, les pays membres ne parviennent pas à identifier les propriétaires des entreprises bénéficiaires du blanchiment d’argent. Il accuse les membres de l’OCDE de ne pas suffisamment sévir contre les flux illicites. L’OCDE recommande à ses membres d’investir dans les systèmes fiscaux et anti-corruption des pays pauvres, pour obtenir de meilleurs résultats. 
Aujourd’hui, la majeure partie des flux illicites est véhiculée par l’entremise de paradis fiscaux internationaux, déclare la Fondation Thabo Mbeki, une ONG créée par l’ancien président. La fondation accuse les « juridictions opaques » d’abriter des millions de sociétés écran et fictives. 
« Les pays en voie de développement perdent trois fois plus dans les paradis fiscaux que les aides qu’ils reçoivent », a déclaré Melanie Ward dans les colonnes de The Guardian. Mme Ward est l’une des porte-paroles de la campagne Enough Food for Everyone IF, une coalition d’associations caritatives réclamant des politiques alimentaires plus justes, et responsable du plaidoyer pour ActionAid, organisation de lutte contre la pauvreté. 
En 2007, un rapport de la Banque mondiale et de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime estimait qu’avec 100 millions de dollars restitués à un pays en développement, il serait possible de financer de nombreuses urgences. Quelques exemples : jusqu’à 10 millions de moustiquaires imprégnées d’insecticide, 100 millions de traitements curatifs contre le paludisme, le traitement de première intention contre le VIH/sida pour 600 000 personnes pendant un an et le raccordement de 250 000 foyers à l’eau potable ou 240 km de routes goudronnées à double voie. 
Le soutien en vue de l’instauration de nouvelles règles visant à limiter les refuges fiscaux extraterritoriaux est venu d’une source inattendue : les dirigeants de huit des plus grandes économies mondiales, le Groupe des Huit (G8). Touchés par la crise financière mondiale de 2008, les dirigeants du G8, réunis lors du sommet de Lough Erne en Irlande du Nord cette année, ont pour la première fois, présenté des lois pour lutter contre l’évasion fiscale. Ces lois obligeront désormais les multinationales à divulguer le montant des impôts qu’elles paient dans les pays où elles sont établies.  
À l’approche du sommet, des groupes s’étaient mobilisés pour obtenir des pays riches qu’ils établissent des lois pour la transparence de l’impôt sur les sociétés. Parmi eux figurait l’Africa Progress Panel, présidé par l’ancien Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. La veille du sommet, il publiait son rapport annuel, très critique à l’égard des lois actuelles sur la transparence des multinationales notamment. 

Actes invraisemblables 
« Il est invraisemblable que certaines entreprises, souvent soutenues par des fonctionnaires malhonnêtes, pratiquent une évasion fiscale contraire à l’éthique et se servent des prix de  transfert et de sociétés anonymes pour maximiser leurs profits, alors que des millions d’Africains sont privés de l’accès à une nutrition adéquate, à la santé et à l’éducation », écrit M. Annan dans l’avant-propos du rapport. Selon lui, l’évasion fiscale est une entrave à la répartition équitable entre les citoyens africains des bénéfices issus de leurs abondantes ressources.
Finalement, le G8 a adopté la Déclaration de Lough Erne, qui en 10 points appelle à la révision des lois. La déclaration incite aussi les autorités à communiquer systématiquement leurs informations fiscales aux autres pays pour lutter contre l’évasion fiscale. Elle souligne que les pays pauvres doivent disposer des informations et des moyens leur permettant de percevoir les impôts qui leur sont dus. La déclaration demande en outre aux sociétés extractives de déclarer les paiements à tous les gouvernements, qui à leur tour doivent les publier. 
Si le Financial Times a accueilli la déclaration comme « une avancée » dans la transparence des sociétés, Sally Copley, une autre porte-parole de la campagne IF, déclare dans un communiqué : « Le débat public pour une répression de la fraude fiscale a été remporté, mais le combat politique continue. » Elle souhaite que le G8 impose des règles strictes sur l’évasion fiscale.
De son côté, le Rapport 2013 sur les progrès en Afrique, exige des solutions multilatérales aux problèmes mondiaux car « l’évasion fiscale, les transferts de richesses illicites et les pratiques pour fixer des prix inéquitables sont soutenus par les systèmes commerciaux et financiers mondiaux ». Il incite les citoyens africains à exiger de leurs gouvernements qu’ils répondent aux normes les plus strictes en matière de propriété et de publication, et les pays riches à exiger la même chose de leurs sociétés. 
Les initiatives des institutions en Afrique et l’adoption de la Déclaration de Lough Erne font naître l’espoir de règles strictes contre la fuite de capitaux africains. « Saisir ces opportunités sera difficile. Les gaspiller serait impardonnable et inexcusable », avertit M. Annan. En attendant, le slogan de la CEA « Identification. Blocage. Réappropriation. », décrit bien ce qu’il convient de faire pour mettre fin à l’hémorragie. 
                                

samedi 21 décembre 2013

Gestion des conflits en Afrique : l’apathie de l’Union Africaine mise à nu

Par Marie-Noëlle Guichi

Un jeune Camerounais vient de consacrer, avec brio, une étude sur la problématique des positions communes de l’Organisation panafricaine, à la lumière des conflits Ivoirien et Libyen de 2011. Il en ressort que l’Union Africaine n’a pas toujours su faire bloc, pour défendre des positions communes face au reste du monde.

Cette étude a été réalisée dans le cadre d’un mémoire en vue de l’obtention d’un diplôme de Master en Relations Internationales, option Intégration Régionale et Management des Institutions Communautaires (IRMIC), à l’Institut des Relations Internationales du Cameroun, IRIC.

GISLAIN TAKOUO face au Jury
Son auteur,  GISLAIN TAKOUO LAHA Théophile, déjà titulaire d’un Master en Histoire n’y est pas allé du dos de la cuillère, lors de sa soutenance jeudi, 19 décembre dernier à Yaoundé, devant un jury qui s’est montré séduit par sa maîtrise du sujet. Du coup, le jeune diplomate s’est vu attribuer la notre de 18 /20, avec la mention « Excellent ».

C’est le contraire qui aurait surpris. Dans une salle archi comble, et face à un jury de trois, présidé par l’anticonformiste Pr. Pascal Charlemagne Messanga Nyamding, ce jeune de 25 ans n’a pas eu le moindre tract, déroulant son speech, quinze minutes durant, sans le moindre document en main ; et se permettant de citer, mot à mot, des théoriciens ayant travaillé sur ce sujet avant lui.

Pour cet étudiant, « Bégaiement » et « apathie », semblent être les justes mots d’avec lesquels il convient désormais de qualifier les réponses de l’Union Africaine dans les crises que traversent ses membres et dans lesquelles elle devrait en principe agir avec « promptitude » et « tact ». « Les raisons d’une telle descente aux enfers sont bien connues : intérêts égoïstes de certains Etats, rejet de la dimension supranationale de l’intégration, pour n’en citer que celles-là », déclare GISLAIN TAKOUO.

Emerveillement

« L’expérience des conflits ivoirien et libyen de 2011 est encore assez vivace dans nos mémoires pour rendre compte du "bégaiement" et de l’apathie de l’Union Africaine face à des questions d’enjeu sinon vital, du moins crucial pour le continent », insiste le candidat.

Une attitude GISLAIN TAKOUO pendant les échanges
A la fin de sa présentation, faite avec beaucoup d’éloquence, le jury n’a pas caché son émerveillement. « C’est la première fois, depuis la quinzaine d’années que j’enseigne à l’IRIC, qu’un étudiant s’exprime sans papier et sans émotion, sans peur», confie Dr. Emmanuel Wonyu, directeur de ce mémoire fait sous la supervision du Pr. Laurent Zang.

Dr. Emmanuel Wonyu, par ailleurs Secrétaire général du ministère des sports et de l’éducation physique, a ainsi loué l’éclectisme et le courage scientifique de ce jeune chercheur « très studieux, pointilleux sur les détails, habité par son sujet… qui prend des positions là où beaucoup d’étudiants se contentent de faire des synthèses plates », dira-il. « C’est un panafricaniste militant. Nous avons travaillé en bonne intelligence », a ajouté Dr. Emmanuel Wonyu.

Tout aussi impressionné par la qualité de ce travail, tant sur la forme que sur le fond, Dr. Armand Elono, également enseignant à l’IRIC et examinateur de ce mémoire, affirmera qu’il est « excellent, bien fouillé, avec une écriture fine. Il n’y a rien à redire », pense-t-il. Il apportera juste un commentaire pour relancer le débat.

Puissance évacuée 

Une photo avec le jury à la fin
Pour lui, le silence assourdissant de l’Union Africaine, à chaque fois qu’un conflit est déclenché, est dû à l’absence d’une pensée de la puissance sur le continent. Il note que « la question de la violence, qui se trouve à l’intérieur de la puissance est évacuée ». Et lui de déplorer le fait que l’Union Africaine privilégie  le côté « humaniste », en mettant de côté l’aspect « armée ».

 « Dès lors, l’extérieur impose à l’Afrique ses éléments de puissance parce que l’Afrique a décidé de ne pas être puissante », soutient Dr. Elono qui a suggéré à l’étudiant de poursuivre ce travail, dans le cadre d’une thèse, en intégrant la philosophie de la puissance, qu’il faut mettre dans la philosophie du développement. Il en conclut que « si on associe les deux, l’Afrique peut être émergente ».

Quant au  Pr. Pascal Charlemagne Messanga Nyamding,  Président du Jury et lui aussi enseignant à l’IRIC, il a relevé chez le jeune chercheur « une très bonne maîtrise des théories et une très bonne interprétation des textes normatifs », pourtant, il n’est pas juriste. Mais il s’étonne que GISLAIN TAKOUO n’aborde pas dans cette recherche les théories Tiers-mondistes et développementalistes. « Mettons beaucoup d’Afrique et il y’aura peu de France », a martèlé le Dr Wonyu.

Lettre à la poste
Au regard de la clarté du travail, le président du jury et l’examinateur se sont contentés de recommandations, pour ouvrir la discussion. Fait curieux, seul le directeur du mémoire s’est permis quelques questions à son filleul, sans doute pour qu’il y’ait véritablement soutenance et que ce travail ne passe pas comme lettre à la poste. Il lui a demandé, entre autres, d’expliquer ce qui fait que l’Afrique n’arrive pas à faire bloc, dans un monde qui se construit en bloc et en grands ensembles.

Répondant à cette question majeure, sujet même du mémoire, le candidat déclare que plusieurs raisons sont à évoquer. D’une part, l’Union Africaine évolue dans un contexte international où les Etats membres ont du mal à s’exprimer. D’autre part, il y’a les contraintes internes des Etats. Le candidat s’est par exemple appuyé sur la théorie marxiste de la dependencia pour montrer la difficulté de certains Etats à respecter les positions communes.

« Le cordon ombilical n’est pas encore rompu entre l’Afrique et les puissances colonisatrices d’hier », dira-t-il, tout en relevant l’urgence d’un vrai panafricanisme, d’une renaissance de l’Afrique. Un panafricanisme en lequel GISLAIN TAKOUO dit croire, même si l’accomplissement n’est pas à brève échéance.




Plus loin avec… GISLAIN TAKOUO

« Que les praticiens du panafricanisme puissent s’en approprier »

A la fin de sa soutenance, le jeune chercheur panafricaniste s’est prêté à nos questions, revenant sur les motivations de cette étude, sa nouveauté, et sa portée.
  
Gislain Takouo lors de son speech
Qu’est-ce qui a motivé le choix d’un sujet sur l’Union Africaine, pour votre mémoire ?

A l’heure de la crise post-électorale en Côte-d’Ivoire et de l’insurrection armée en Libye, grande a été la stupéfaction des Africains, à l’effet de constater qu’il était encore difficile pour les membres de l’UA de formuler et de soutenir une position commune. Pourtant, son Acte Constitutif réaffirme avec vigueur en son article 3 alinéa "d", la détermination de l’organisation continentale à, je cite, « promouvoir et défendre les positions africaines communes sur les questions d'intérêt pour le continent et ses peuples ». Ces deux situations paradoxales ont suscité chez nous un besoin pressant : celui de comprendre les mobiles profonds qui peuvent justifier un tel état des choses. Et c’est ce besoin de compréhension qui constitue, au demeurant, le signal incitatif de notre recherche.

L’indolence de l’Union Africaine face aux multiples conflits qui se déclarent sur le continent est un secret de polichinelle. Quelle est la nouveauté de votre travail ?

C’est  vrai qu’il serait quasiment trivial de prétendre conduire une recherche scientifique de haut niveau comme celle-ci pour aboutir à la conclusion selon laquelle l’Union Africaine serait indolente face aux conflits qui subsistent en Afrique. Oui, la montagne aurait accouché d’une souris ! Conscient donc de ce  fait, nous sommes allés au-delà de ce simple constat pour questionner les raisons qui peuvent justifier cet état des choses ; car à notre avis, toute solution à un problème commence par la compréhension du problème en lui-même. Plus encore, nous avons formulé, au regard des causes que nous avons pu relever, un certains nombre de propositions de solution pour "renverser la vapeur". Notre vœu le plus cher est que ce travail ouvre davantage le débat sur cette question et, surtout, que les praticiens du panafricanisme puissent s’en approprier, afin qu’il contribue autant que faire se peut à la construction de l’édifice panafricain.

Vous constatez dans votre étude que la formulation et la défense des positions communes au sein de l’UA demeure encore un réel défi pour cette organisation. Que peut faire l’Union Africaine pour faire face aux élans égoïstes de ses membres ?

Dans le cadre des suggestions que nous avons faites à ce sujet, nous estimons qu’il serait de l’intérêt de cette organisation de procéder à un réaménagement structurel et fonctionnel qui puisse lui permettre de renforcer les cadres du  régionalisme qui sont encore supplantés par ceux de l’intergouvernementalisme. Le réaménagement des structures de l’UA devrait intervenir dans l’optique d’un rééquilibrage des différents cercles de prises de décision et du réajustement des relations de l’organisation continentale avec les CERs (Communautés Economiques Régionales) qu’elle a désignées comme étant les piliers de l’intégration  africaine. Il s’agira donc, dans ce cas, de revisiter  l’agencement de ses différentes structures pour parfaire sa productivité et, partant, mieux garantir  l’adhésion des Etats membres aux positions communes continentales.
Par ailleurs, au regard du fonctionnement de l’UA aujourd’hui, il semble que les Etats membres mesurent mal tout l’intérêt qu’ils pourront tirer de la réalisation du projet d’intégration continentale. Une meilleure sensibilisation de ces derniers sur leur intérêt à y  participer  pourrait  assurément permettre de les rapprocher davantage de l’Union et, de ce fait, réduire l’impact de  la non-participation de certains Etats membres à ses activités.

L’un des membres du jury propose à l’Afrique la philosophie de la puissance comme solution aux attaques extérieures. Qu’en pensez-vous ?

Nous recevons cet élément comme une contribution importante qui rentre en droite ligne de nos objectifs de recherche ; et sans toutefois s’opposer aux approches qui sont les nôtres. En effet, nous partageons entièrement cette vision de la puissance qui vient rompre avec l’angélisme traditionnel des Etats africains en général et de l’UA en particulier, lorsque le continent fait face à des enjeux importants. Si vous prenez des questions internationales d’actualité telles que le nucléaire ou encore le problème d’un siège permanent pour l’Afrique au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU, vous verrez bien que le refus obstiné des puissances occidentales à ouvrir ces portes aux Etats africains vient du fait qu’ils sont conscients du rôle que joue la puissance dans l’émergence et la prospérité des nations.

Quelle suite envisagez-vous, après un master sur la problématique des positions communes de l’Union Africaine face aux conflits ?

Comme le jury l’a si bien relevé, je suis un fervent militant du panafricanisme, puisque j’ai par ailleurs dirigé le Club Union Africaine de l’IRIC pendant les années que j’y ai passé. Après  une  telle étude, je compte porter désormais mes efforts au plan pratique et à quelque niveau que ce soit, pour l’avancement de la cause panafricaine. Par ailleurs, je ne suis pas resté insensible à la proposition de mon assesseur de poursuivre cette réflexion en thèse et donc, je compte bien m’y engager en fonction des opportunités.

Réalisée par Marie-Noëlle Guichi



mercredi 18 décembre 2013

Elaboration de l’Agenda 2063 : l’Union Africaine sollicite les médias

Par Marie-Noëlle Guichi

A l’invitation de l’organisation panafricaine, des journalistes africains se sont retrouvés à l’hôtel Hilton de Yaoundé du 10 au 13 décembre 2013, pour apporter leur contribution, à la construction en cours, d’un nouveau plan de développement de l’Afrique, appelé « Agenda 2063 ».

Ils ont été une trentaine de journalistes, venus de tous les horizons d’Afrique, à prendre part à ces assises. Dès l’ouverture de la rencontre, Habiba Mejri-Cheikh, Directrice de la division de l’Information et de la communication à la Commission de l’Union Africaine, a campé le décor.  
Habiba Mejri-Cheikh

 Pour elle, il est question, à travers cette consultation, « d’impliquer les journalistes africains dès la phase de l’élaboration de la vision de l’Union Africaine pour les 50 ans prochaines années (Agenda 2063, NDLR), afin qu’ils soient suffisamment imprégnés, comprennent les enjeux, pour mieux informer les populations, appelées à s’approprier véritablement ce nouveau programme », a-t-elle déclaré à l’entame de la concertation avec les médias. 

Les aspirations des populations
Allant dans le même sens, Mandla Madonsela, directeur de la planification stratégique à la Commission de l’Union Africaine, et cheville ouvrière de l’Agenda 2063, a indiqué à son tour que « cet agenda est basé sur les aspirations des populations, tout en englobant et en poursuivant les idéaux du panafricanisme ». Son élaboration dira-t-il, se fait à travers un processus axé sur les peuples. D’où ces concertations lancées depuis septembre 2013, et qui ont déjà enregistré l’apport de la société civile, du monde académique, de la diaspora, de divers groupes de réflexion, de la jeunesse, des femmes, et des médias aujourd’hui. 

Au cours de leurs travaux, les journalistes ont formulé le vœu pour une Afrique prospère, paisible, démocratique, juste, avec des populations bien informées, qui font des choix conséquents. Une Afrique qui exploite ses ressources naturelles au bénéfice de ses fils et filles. Une Afrique où les leaders s’inspirent du modèle de gouvernance laissé par Nelson Mandela. Une Afrique Unie à travers un gouvernement et un parlement uniques. 

               Mandla Madonsela et Habiba Mejri-Cheikh
Un rôle de locomotive

Une Afrique où certains grands Etats jouent un rôle de locomotive, comme ça se fait ailleurs, pour porter le continent. Une Afrique où l’on tait les égoïsmes nationaux au profit de l’intégration sous-régionale et régionale au niveau politique, économique, social et culturel. Une Afrique où se développe un panafricanisme pragmatique au cours des 50 prochaines années, et non un panafricanisme centré sur les discours creux. 

Une Afrique où l’Etat de droit existe ; où la circulation des biens et des personnes est une réalité ; où le désenclavement aérien, ferroviaire et routier est effectif. Une Afrique où l’écotourisme constitue une source d’enrichissement et de développement.

Une Afrique où les pandémies telles que le VIH/SIDA, le paludisme, l’hépatite virale, la méningite, la mortalité infantile et maternelle, la famine, le chômage…sont éradiquées. Une Afrique de liberté d’expression ; où l’éducation basée sur l’étude la propre histoire du continent et de ses traditions est une opportunité pour tout le monde.